Fritz Lang signe là un des films consacrés à l'assassinat de Heydrich à Prague en 1942. Douglas Sirk en a fait un à peu près au même moment "Hitler's Madman".
La tonalité de chacun de ces deux films est un peu différente. Il y avait une volonté de propagande chez Lang pour motiver les américains contre l'hydre nazie.
La première chose à dire sur le film de Lang, c'est qu'il s'arrange beaucoup avec la vérité historique. Pas grand chose n'est historique sinon que Heydrich a bien été assassiné à cette époque et qu'une répression énorme a été mise en place concernant le peuple tchèque. Même l'assassinat décrit dans le film n'a qu'un lointain rapport avec ce qui s'est réellement passé. Peut-être qu'à l'époque les détails de l'assassinat avaient peu filtré vers l'Amérique. Mais le propos de Fritz Lang n'est pas dans ces détails qui au demeurant n'ont guère d'importance pour les messages que lui et son scénariste Bertold Brecht laissent filtrer
Un autre point important, c'est la distribution du film en France qui eut lieu bien tard en 1947. Les distributeurs français, dans un souci politique d'apaisement national, charcutèrent le film d'environ vingt minutes (sur un peu plus de 2 heures), ce qui n'est pas négligeable.
Le DVD que je possède contient les deux versions.
De ce que je constate, sans en avoir fait une liste exhaustive, c'est l'absence de plusieurs scènes notamment concernant le comportement des pragois interrogés ou impliqués (scène du chauffeur de taxi interrogé par la gestapo, une scène en prison entre Mascha et la marchande de légumes, une scène émouvante parmi les otages avec, symboliquement, un poète, etc ). Il y a aussi un point important qui est un détail modifiant l'objectif contextuel du film : dans la VO, le film se termine (en 1943) par un "NOT THE END" laissant entendre que cet assassinat n'est qu'une étape alors que dans la VF (en 1947), le film se termine par un définitif END ...
Grosso modo, on peut dire que la version française se focalise plus sur l'enquête policière pour retrouver l'assassin de Heydrich. C'est déjà bien car on retrouve le style efficace et le suspense propre aux films policiers de Fritz Lang.
C'est malgré tout dommage car la version originale offre une analyse plus complète de la volonté de Fritz Lang et de Bertold Brecht de prendre prétexte de cet assassinat pour mettre en avant l'implication patriotique de la population tchèque et de sa capacité à s'unir contre l'occupant et les traitres.
En terme de mise en scène, on reconnait bien là, le Fritz Lang de cette époque ou d'avant-guerre dans les jeux d'ombres pour faire apparaître notamment les nazis là où le spectateur ne les attend pas renforçant ainsi le climat de terreur et le suspense de l'action.
Au delà de ces points, on a affaire avec "les bourreaux meurent aussi" à un superbe film et des beaux personnages dont Mascha (Ann Lee) et surtout son père Novotny (Walter Brennan assez méconnaissable mais excellent) avec un suspense assez haletant dans cette traque des nazis pour retrouver celui qui a assassiné le bourreau et le fidèle serviteur de l'idéologie nazie, Heydrich.