Les Brigades du Tigre par Gérard Rocher La Fête de l'Art
Nous sommes en 1907, dans le Paris de la Belle Epoque où une vague d'attaques à main armée et de hold-up se perpétue dans la capitale. La grande nouveauté c'est qu'il s'agit des premières attaques motorisées, ce qui trouble l'opinion et la police. Afin de contrer ce fléau, le Ministre de l'Intérieur, Georges Clémenceau, décide d'employer les grands moyens en fondant en 1912 une compagnie d'élites portant son propre surnom: "Les Brigades du Tigre". Celles-ci vont naviguer au beau milieu d'une société corrompue pour tenter d'élucider, sans concession, des affaires de la plus haute importance comme celle des emprunts russes. Les Brigades vont également livrer une lutte sans merci contre "la Bande à Bonnot" au beau milieu d'une guerre des polices acharnée et de magouilles politico-financières des plus importantes. Réussiront-elles à venir à bout de leurs délicates missions? La tâche sera loin d'être aisée pour ces super-fics...
Le commissaire Valentin est appelé à diriger cette nouvelle section de brigades mobiles créée pour s'adapter à cette nouvelle vague du banditisme au style très révolutionnaire. On pouvait parler, pour la première fois, d'attaques éclair car perpétrées à l'aide de voitures puissantes. Il faut dire qu'au milieu de cette faune régnait l'anarchiste Jules Bonnot, l'ennemi public numéro un, entouré de sa fameuse bande. C'est lors d'un braquage mouvementé que les anarchistes découvriront un document très compromettant sur lequel figure des noms célèbres de la finance et de la politique, proches du prince Bolkonski, en visite officielle à Paris afin de tisser des liens étroits avec la France. Le but? lancer les fameux emprunts russes et unir la France et la Russie pour mieux concurrencer la Triple Alliance constituée par l'Allemagne, l'Italie et l'Autriche-Hongrie. Viennent se mêler à cette situation, rarement abordée au cinéma, des personnages clés de l'époque tel que Jaurès ou fictif telle que Constance, la ravissante amante de Jules Bonnot. Malgré l'acharnement des "Brigades" menées par le Commissaire Valentin, nanti de ses trois équipiers de choc ( les inspecteurs Pujol, homme sensible, Terrasson, impulsif et fana de boxe, et bientôt rejoints par Bianchi, jeune stagiaire italien timoré) la France sombrera sous le poids de ses scandales contribuant à son impuissance, dans le conflit de 1914-18, comme Jaurès l'avait prévu.
C'est dans un univers assez noir que nous entraîne Jérôme cornuau avec sa version "cinéma" du célèbre feuilleton télévisé. Bien sûr la célèbre petite musique sautillante et pleine de fantaisie de Claude Bolling est bien là pour nous rappeler les bons moments passés devant la télé en compagnie de nos quatre héros. Les tacots rutilants sont toujours de sortie mais la vie des "Brigades du Tigre" est beaucoup plus dangereuse et périlleuse que celle que nous attendions. Cette version nous offre une mise en scène très efficace, spectaculaire et sophistiquée , pourvue d'un sujet peut-être un peu alambiqué mais ô combien passionnant. Le style de cette production se rapproche des fameux " Incorruptibles " de Brian De Palma, ce qui n'est pas une mince référence. De plus tous ces personnages très attachants évoluent au milieu d'une atmosphère de décors de l'époque admirablement bien reconstituée. Pour réaliser un aussi bon film que celui-ci, il faut une interprétation à la hauteur et là, chacun est à sa place, bien campé dans son personnage. En effet, nos quatre flics d'élite interprétés par Clovis Cornillac, Edouard Baer, Olivier Gourmet et Stefano Accorsi, sont d'une très belle crédibilité. Jacques Gamblin nous offre un Jules Bonnot aussi vrai que nature et Diane Kruger, une bien séduisante et intrigante princesse russe. Quant à André Marcon, il nous livre une étonnante composition sous les traits de Jaurès.
En fait, par rapport au feuilleton, Jérôme Cornuau a produit un film qui ne possède pas la fantaisie désuète de son aîné, mais qui renferme plus de réalisme, de mordant et de situations dramatiques. Cette nouvelle production apporte donc un bon coup de jeune à notre passion hebdomadaire de jeunesse, ce qui n'est pas fait pour nous déplaire.