La France a frappé fort l’an dernier au rayon des films de procès, avec les excellents Anatomie d’une chute et Le Procès Goldman. Le Québec est dans la course. Dans Les Chambres rouges, en salles ce 17 janvier, le tribunal de Montréal juge l’affaire fictive du démon de Rosemont : ce tueur en série a enlevé, violé et dépecé trois jeunes adolescentes, a filmé ses crimes et les a vendus sur le dark web.
C’est donc aussi le procès des snuff movies, ces films clandestins et ultra-violents qu’on se vend sous le manteau pour assouvir de sombres pulsions voyeuristes. Justement, la caméra s’éloigne très vite de l’homme mutique suspecté des meurtres. Dans le public qui assiste aux audiences, on fait le point sur Kelly-Anne et son amie Clémentine. Ce sont elles le sujet du film. Elles ne sont ni des proches des victimes ni des amies du tueur présumé. Mais l’affaire les obsède, elles n’en ratent pas une miette, connaissent les arguments des deux parties par cœur. A un point qu’elles en deviennent terrifiantes.
La fascination de l’homme (en l’occurrence de la femme) pour le sordide, tel est l’enjeu du troisième long-métrage de Pascal Plante, jeune sensation québécoise, du haut de ses 35 ans. Et quel meilleur endroit pour traiter du voyeurisme qu’une salle de procès, où la justice se met en scène, se donne en spectacle avec des codes presque théâtraux ? Un lieu au huis clos impossible, tant le regard est démultiplié : les médias traditionnels en parlent, les réseaux sociaux bruissent, des enquêteurs amateurs s’échangent des éléments du dossier…
Dans ce vertigineux édifice panoptique, le cinéaste construit des séquences qui compteront sans nul doute parmi les plus terrifiantes de l’année. Son secret : l’économie d’effets. Pas de gerbe de sang, de sursaut, d’explosion. Pascal Plante promène sa caméra comme un scalpel. C’est ici le visionnage, en hors-champ, d’une des vidéos incriminées. Là, un regard caméra qui vous tétanise sur pied. Anatomie de la psyché humaine.