J'avais découvert et plutôt bien aimé Claude Mulot avec son film La Saignée sorti en 1971, suffisamment en tout cas pour avoir envie de continuer à explorer occasionnellement sa filmographie du moins le versant hors cinéma X dans lequel il officia aussi sous le pseudo de Frédéric Lansac. Indulgent avec son essai de giallo à la française Le Couteau Sous la Gorge, je me suis cette fois ci plongé dans Les Charnelles sorti en 1974 un film essentiellement érotique mais avec quelques relents de thriller et de comédie dramatique.
Les Charnelles nous raconte l'histoire de Benoit un fils de bonne famille oisif et glandeur qui se lie d'une amitié improbable avec un petit voyou et une jeune fille victime d'un viol. Le trio qui rêve de soleil et de liberté va se retrouver embarqué dans une spirale de délinquance sous l'impulsion de Benoit particulièrement manipulateur.
Les Charnelles est un film à la fois léger et sombre dans lequel les scènes érotiques très explicites mais non pornographiques occupent facilement un tiers voir la moitié du film. De la fesse parfois légère et amusante comme avec cette jeune fille qui collectionne les amants et leur bouton de braguette pour un concours entre copines ou la mère de Benoit qui tente de soigner les petits délinquants par la douceur et la calinothérapie en leur offrant son corps afin de faire disparaître les pulsions violentes entre ses cuisses. Même si bien sûr, et fort heureusement d'ailleurs, le film s'appesantit un peu moins en mode voyeur sur ce type de séquence, Les Charnelles traite aussi de sexe non consenti avec notamment plusieurs séquences de viols. Le film balance ainsi constamment entre la légèreté de la comédie et la pesanteur du drame autour d'un personnage plus détestable que véritablement attachant. Benoit (interprété par Francis Lemmonier) est même l'archétype du peine à jouir dont la frustration se mue irrémédiablement en violence. Ce fils de bonne famille qui joue au petit voyou , qui recherche l'excitation dans une posture de voyeur, qui traverse sa vie avec toute la nonchalance de l'ennui permanent et qui ne cesse de manipuler les autres faute d'avoir le courage d'agir lui même est peut être tout simplement le symbole de la frustration des bandes mous dans un monde excitant. Au cœur de la libération des mœurs et de la jeunesse révoltée du début des années 70, Benoit fait figure du type qui voudrait en être alors qu'il n'est pas tout à fait raccord avec le décor. Toute la violence et les aspects les plus détestables du personnage viennent ainsi de sa frustration constante à ne pas être … Difficile en tout cas d'avoir la moindre sympathie pour un personnage voyeur, manipulateur, raciste et violent qui quand il n'arrive pas à bander désire tuer les femmes par frustration ou les violer quand il a enfin un semblant de début d'érection.
Si l'on regarde Les Charnelles comme un simple film érotique on pourra lui reconnaître de s'appuyer sur un scénario plus riche et construit que la moyenne des films du même genre. Si en revanche on l'aborde comme une comédie dramatique on restera un poil plus dubitatif sur les intentions de Claude Mulot à la fois scénariste et réalisateur. Niveau casting on notera surtout les présences de Anne Libert une habituée de l'univers de Jess Franco (Une Vierge Chez Les Morts Vivants – Le journal Intime d'Une Nymphomane – La Fille De Dracula) et de Katya Tchenko créditée de manière bien peu reluisante sur certains sites de cinéma comme la femme violée sur le tas de fumier (Alors que généralement les femmes violées sont toujours par définition sous des tas de fumiers). Il semblerait que l'on retrouve également dans le film la future star du X français Claudine Beccarie dans un petit rôle mais je ne l'ai pas reconnue.
Les Charnelles c'est un peu l'itinéraire d'un enfant fâché et le portrait d'un type tout de même assez con et détestable. Si ce trio de marginaux en quête de liberté et de sexe fait un peu penser à celui des Valseuses, il est certain que les personnages et le principal en tête sont loin de susciter la même sympathie (parfois moralement discutable) que les petits délinquants et loosers du film de Bertrand Blier.