Cri dansant
Les Chatouilles n'est pas une histoire de viol. Ce n'est pas une histoire d'enfant traumatisée, de victime qui ne s'en remet pas. Au contraire. C'est une histoire de vie au-delà du viol, de la...
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le 8 nov. 2018
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T’es embêté. Embêté parce que c’est difficile de descendre un film qui se trimballe un sujet pareil, dur, poignant, carrément inattaquable. Pédophilie et abus sexuels, vas-y le combo, bonjour l’angoisse. Parce que sur le fond, y’a rien à dire évidemment, c’est du costaud, du nécessaire on dit. L’histoire d’Andréa Bescond (Odette dans le film), violée pendant son enfance, déglinguée plus tard (alcool, drogues, dépression), laisse admiratif de sa force à dépasser ses souffrances par la pratique de la danse envisagée comme un exutoire, une libération. Un témoignage à vif de ce que représente le fléau des violences sur mineur(e)s et les conséquences sur leur famille.
Donc ça, c’est le (seul) point positif que l’on retiendra du film (avec Karin Viard et Pierre Deladonchamps, c’est vrai, très justes dans des rôles vraiment pas évidents). Parce que pour le reste, c’est une catastrophe. De l’immaculée, de la monumentale. T’as senti le truc arriver dès les premières minutes avec ces cours de danse où Ariane Ascaride, à l’image du film, surjoue à outrance et où une espèce de «trouvaille» poétique de mise en scène t’as laissé coi de consternation quand Odette se met soudain à… voler. Tout dans Les chatouilles est hyper démonstratif, lourdingue, pénible, et jusque dans les scènes d’émotion où ça racole large (celle dans la voiture entre Odette et son père est un summum de pleurnicherie crasse).
Les effets ringards de montage et de transitions (entre passé et présent, entre réalité, séances de danse et thérapie chez la psy) tombent le plus souvent à plat, laissant la vague impression que Bescond et Éric Metayer ont voulu faire du Michel Gondry, mais s’y prenant comme des manches. Et puis le personnage de la mère est à la limite du ridicule, voire en plein dedans. Qu’un tel personnage puisse exister n’est évidemment pas la question (on la devine pleine de regrets, cette mère, jalouse peut-être de sa fille, dans le déni aussi quand il faut affronter la vérité). C’est la façon de le traiter qui pose problème.
Bescond et Metayer en font une caricature de marâtre amère sans jamais lui offrir de contrepoint à part un «Tu ne sais pas ce que j’ai vécu» balancé comme on balance une punchline, une sorte de sésame qui justifierait son odieux comportement (et presque aussi odieux que celui du violeur) avec lequel il faut se dépatouiller, qu’il suffisait à la dédouaner de tout, à pas la juger trop facilement. Bescond, lors d’un entretien, l’a d’ailleurs dit : «Elle souffre, on ne sait pas trop pourquoi». Voilà donc le hic, écrire un personnage qui pourra légitimement rebuter en ne lui laissant aucune chance d’un peu de nuances, de complexité, alors qu’il est sans doute le plus casse-gueule du film et qu’il méritait un développement vraiment travaillé, surtout dans ses zones d’ombre.
Mais le plus gros défaut des Chatouilles vient de Bescond elle-même, prodigieusement IN-SUP-POR-TA-BLE, et à un tel niveau d’exécration, ça relève du pur affront (alors que l’on devrait éprouver pour elle, au minimum, une empathie XXL). Son jeu est dans l’excès permanent, toujours faux, toujours épais, qu’elle déclame, qu’elle minaude, larmoie ou s’emporte (ses scènes avec Gringe par exemple, mauvais lui aussi, sont un modèle de nullité que l’on devrait récompenser de tous les Gérard et Razzie de la Terre). C’est quand même un comble : interpréter son propre rôle, mais se planter en beauté. Bescond, royale, y est parvenu, accordons-lui au moins cette prouesse.
Ce qui est terrible avec tout ça, c’est que Les chatouilles en devient rebutant, laisse rageur de tant de maladresses et de pathos alors qu’il aurait dû nous enrager, justement, nous porter au cœur. On comprend que Bescond et Metayer, face à un tel sujet, ont rejeté âpreté et misérabilisme pour y préférer une sorte de souffle «fantaisiste», une certaine liberté de ton (c’est ce qu’avait su faire Gregg Araki dans son magnifique Mysterious skin, et même Pedro Almodóvar dans La mauvaise éducation). Mais c’est raté, c’est complètement raté. Quand la forme parvient à ce point à desservir le fond, quelque part on frôle le génie. On touche au grand art.
Créée
le 12 avr. 2019
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