Lait chaud. Son rouge
Caressons, toi et moi, si tu veux bien, l'évidence : on est face à un grand film. Un de ceux qui traversent les temps, sans bouger. Un de ceux qui sont faits pour éblouir, génération après...
Par
le 20 mars 2014
82 j'aime
28
Je sens bien que j'ai un petit problème émotionnel avec Powell et Pressburger tout de même. Exactement comme dans le Narcisse Noir, c'est à nouveau mirifique. La réalisation inventive est d'une très grande maîtrise et la scène centrale du ballet est incroyable, la claque. En prime, Moira Sheerer est une vraie danseuse classique dont on peut filmer le corps en plans larges sous toutes les coutures sans qu'il ne dévoile la moindre fébrilité (bonjour Darren et Natalie...), corps aussi fluides que le montage passe d'un angle à l'autre avec virtuosité. L'expressionnisme mêlé à la fantaisie britannique fait grimper le tout aux cimes esthétiques d'un Kwaidan (au hasard...), théâtre fantastique mouvant d'une image à l'autre élargissant la scène au grand écran avide de profondeur mystique, sans aucune métaphore schizophrénique lourdingue à l'horizon ni aucune déformation de la musique, socle primordial.
Mais je sais pas comment ils se débrouillent les deux zigues, leurs personnages sont presque entièrement scellés par le mot de la fin. C'est bizarre parce qu'au début, ça fonctionne du tonnerre avec cette entrée en matière au balcon tourmenté et son essaim de jeunes passionnés trépignants. Mais plus tard, les principaux personnages tirent trop vers le théâtral, hormis Lermontov clairement habité de bout en bout. Moira tout comme Marius Goring ont beau être bien mignons, ils manquent de profondeur, sont trop enfermés dans leur rôle de marionnettes et sont balayés par chacune des arrivées flamboyantes d'Anton Walbrook.
Moira est assez hypnotique mais surtout quand elle danse. En dehors, on ne sait pas grand chose de sa petite vie de poupée de luxe ce qui est bien dommage lorsqu'elle décide finalement qu'elle ne sait pas choisir. Oui mais tout de même, c'est un peu cinglant comme décision là, je n'ai pas eu l'impression que le tiraillement de la passion était aussi insoutenable que ça jusque là, à force de se concentrer sur Lermontov aussi. Pendant le ballet, là tu sens mieux son visage habité, tiraillé entre l'amour et la danse, entouré de ces deux mêmes symboles, monstres russes proches d'un duo de Frankenstein, machines à sautiller emportant sans répit les chaussons rouges dans les airs, et elle ne fatigue même pas la bougresse.
Mais Comme dans Le Narcisse Noir, l'ambition dramatique souhaite finir volontairement en se fracassant au sol littéralement. Deux fois qu'ils nous font le coup, moi je trouve ça un peu vite emballé quand même. Le drame final a bon dos pour symboliser tout le reste plutôt que de creuser la vraie passion du trio dans toute sa réalité. Mais bon, leur objectif n'était surement pas là. Avec ce travail de mise en scène aussi pointilleux que titanesque parfaitement posé sur la puissante musique des Chaussons Rouges, je me dois de ne pas trop faire mon cochon.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste °Chroniques de classiques
Créée
le 17 oct. 2015
Critique lue 685 fois
26 j'aime
2 commentaires
D'autres avis sur Les Chaussons rouges
Caressons, toi et moi, si tu veux bien, l'évidence : on est face à un grand film. Un de ceux qui traversent les temps, sans bouger. Un de ceux qui sont faits pour éblouir, génération après...
Par
le 20 mars 2014
82 j'aime
28
Il y a certains sujets sur lesquels on ne plaisante pas. Il y a certains sujets sur lesquels on ne prend pas de plaisir ; la danse classique et le ballet en font partie en ce qui me concerne. Les...
le 16 mai 2014
47 j'aime
10
C’est tout ce qui compte en effet. La musique, souveraine en tout temps…Encore plus quand elle est accompagnée par la danse. Rien d’autre n’a d’importance, car pourquoi vit-on sinon pour danser notre...
Par
le 3 avr. 2016
34 j'aime
1
Du même critique
Personne n'y croyait mais il est cool ce film ! Dingue ! On aurait juré voir la bouse arriver à 100 bornes et voilà que c'est la bise fraîche ! Doug Liman reprend pourtant le concept de "Un jour sans...
Par
le 23 juin 2014
203 j'aime
31
Misérable. Pire film de zombies. Je m'attendais à rien et j'ai eu rien. J'ai même eu plus que rien, ou plutôt moins que rien. Il n'y a rien. Les seules scènes valables sont les trois moments...
Par
le 5 juil. 2013
180 j'aime
66
Il y a peut-être un micro poil trop de gros plans de visages pétrifiés qui mettent en évidence un fond légèrement binaire comparé à d'autres œuvres plus ambigües et analytiques. Il n'est pas question...
Par
le 27 avr. 2011
175 j'aime
18