Les Chevaliers du Zodiaque : La Légende du sanctuaire par Ninesisters

Avant d’entrer dans le vif du sujet, quelques précisions absolument indispensables sur le contexte et sur ce qui va suivre.
Primo, je partirai du principe que je m’adresse ici à des spectateurs qui connaissent l’œuvre d’origine, ce qui m’autorise à révéler quelques éléments de la Saga du Sanctuaire. Vous voilà prévenus.
Secundo, SensCritique m’oblige à mettre une note afin de pouvoir publier une critique, donc je joue le jeu ; mais je vous prierai de ne pas la prendre en considération, elle est arbitraire. La vérité, c’est que je ne peux pas prononcer un jugement définitif sur cette œuvre, laquelle défie toute logique. Ce qui n’est pas nécessairement un reproche.


Tertio, j’adore Saint Seiya. Ma passion pour l’animation et la BD nippones vient de cette série en particulier, qui reste une de mes favorites. Je possède les deux éditions françaises du manga, et l’anime à la fois en VHS et en DVD, long-métrages compris (j’attends les versions BRD). Ce qui en dit long sur ma santé mentale. Pourtant, je suis aussi le premier à reconnaitre les limites de ce titre, dont j’aurais même tendance à penser qu’il s’agit d’un accident, bénéficiant aujourd’hui d’un statut culte malgré son auteur. Pour ce-dernier, le but consistait avant tout à montrer des affrontements entre des personnages haut-en-couleurs, comme il l’avait déjà fait dans Ring ni Kakero ; l’histoire, la mythologie, tout cela n’est qu’accessoire, un décorum. C’est pour cette raison, par exemple, qu’il n’a jamais insisté sur le fait que les Silver Saints et les Marinas s’apparentaient à des figures tragiques, car persuadées de lutter pour une bonne cause, mais en réalité manipulées par des jumeaux belliqueux et avides de pouvoir ; aspect qui, à contrario, sera mis en avant dans l’anime, à travers la Saga d’Asgard. Masami Kurumada, lui, s’en fichait.
Ainsi, Saint Seiya m’apparait comme la série la plus paradoxale jamais sortie du Japon : puissante, incroyable, mais bourrée jusqu’à la moelle de défauts, d’incohérences (dès le manga d’origine) toutes plus grossières les unes que les autres, d’armures moches (avant qu’un assistant ne prenne le relai) et qui ne protègent absolument rien, et j’en passe. Le 3ème long-métrage, sorti en France sous le titre Les Guerriers d’Abel, résume à lui seul ce paradoxe : il s’avère caricatural, prévisible, et son scénario accumule tous les éléments qui ne devraient pas être présents dans Saint Seiya, à commencer par la résurrection des Gold Saints morts lors de la Saga du Sanctuaire ; mais c’est aussi le plus beau, le plus poétique, le plus touchant, le plus épique, une merveille.


Quatro – et je vous promets que je m’arrête là – je n’avais, initialement, pas prévu de regarder La Légende du Sanctuaire. Plusieurs raisons à cela. La première, c’est que je n’apprécie pas cette tendance du cinéma d’animation nippon à passer à son tour aux CGI ; cela m’énerve de les voir imiter les studios américains alors qu’ils restaient un des derniers îlots de résistance, et je refuse de cautionner cette pratique. La seconde, c’est que je trouvais le design agressif. La troisième, c’est que j’adore Saint Seiya, et que la profusion de dérivés au mieux médiocres, depuis près d’une quinzaine d’année, a fini par me dégouter. En tant que passionné, vous pourriez penser que je sauterais sur les nombreux manga publiés chez Panini Comics ou Kurokawa, mais après en avoir testé quelques-uns, j’ai décidé de m’arrêter là ; idem pour les animes, qui n’ont cessé de régresser entre un Hades Sanctuary correct, et un Omega dont il est dit que marcher dedans porte chance. Il y a des limites au masochisme.
Ce qui m’a finalement convaincu, c’est une curiosité très, mais alors très mal placée. Ainsi qu’une scène très étrange montrant Cancer no Deathmask dans un numéro de comédie musicale.


Maintenant, nous pouvons (enfin) entrer dans le vif du sujet. Lors d’une expédition, Mitsumasa Kido découvre un Gold Saint agonisant, lequel lui remet la jeune réincarnation d’Athéna, pourchassée par les usurpateurs du Sanctuaire, et lui révèle l’existence des Saints et du Cosmos. Pour protéger Athéna, il recherche de jeunes orphelins avec un fort potentiel, qui devront suivre une formation de guerrier. Le jour de ses 16 ans, Saori Kido se retrouve attaquée par un envoyé du Pope, qui la considère comme une traitresse ayant usurpé le nom d’une déesse ; elle est sauvée par ses Saints, mais il lui faudra se rendre au Sanctuaire pour prouver son identité.
Là où je reconnais bien Saint Seiya, c’est dans un scénario en lui-même paradoxal : réussi et raté à la fois. Déjà, il corrige pas mal de défauts de l’original ; nous pourrions prendre cela comme autant de trahisons, mais mieux vaut oublier nos préjugés avant d’aborder une nouvelle œuvre issue de cet univers. Les corrections, donc, sont de plusieurs ordres : les apprentis Saints sont beaucoup moins nombreux (nous sommes passés de 100 à 5), ils ne sont plus les enfants abandonnés de Mitsumasa Kido, le Pope a pensé à créer une fausse Athéna pour asseoir son autorité, et surtout, les personnages font enfin leur âge ! Vous voyez Saori et sa plantureuse poitrine, dans la série d’origine ? Elle avait 13 ans. Idem pour Seiya, Shun, et Jabu. Les Bronze Saints les plus âgés restaient Ikki, Geki, et Ban, 15 ans. Pour une raison simple : l’auteur voulait que les Bronze Saints soient des collégiens japonais (13-15 ans), les Silver Saints des lycéens (16-18 ans), et les Gold Saints des étudiants (19 ans et plus). Ici, les héros ont 16 ans, et font effectivement 16 ans.


Là où le bât blesse, c’est que ce film ambitionne d’adapter les 13 tomes de la Saga du Sanctuaire en un métrage de 1h30. Même en enlevant les Galaxian Wars, les Black Saints, les Silver Saints, et les analepses, cela fait quand même un paquet de Gold Saints à caser. Donc le scénario va à l’essentiel, pour le meilleur ou pour le pire.
Ainsi, Saori apprend qu’elle est Athéna dans sa voiture, de la façon suivante : « Bon anniversaire, Mlle Saori. Ah, au fait, vous êtes la réincarnation d’Athéna, la Déesse de la Guerre, et il y a des gens qui vont vouloir vous tuer ; mais, ne vous inquiétez pas, vous avez aussi des gardes du corps appelés Saints ». Brutal.
De même, la caractérisation des personnages principaux est absente. Seiya est le héros de shônen type, butor, enjoué, probablement amoureux de Saori, et cela s’arrête là. Shun se résume à son incapacité à combattre, et n’aura même pas droit à son moment de gloire. Ikki est encore plus poseur et emo, alors qu’il est à peu près aussi utile que son frère. Shiryu essaye de s’imposer comme le sage du groupe (celui que personne n’écoute), et Hyoga ne sert à rien. Ce qui désamorce nombre d’enjeux dramatiques : quand ce-dernier affronte son maître, cela ne dégage aucune émotion puisque nous ignorons tout d’eux. Quant à Saori, elle montre moins de prestance que l’originale, elle ressemble plus à une fille normale jetée dans un combat qui la dépasse ; c’est un choix qui se défend, mais je n’ai pas spécialement accroché à cette nouvelle version.


Par contre, le scénariste a plutôt bien géré les combats contre les Gold Saints, de manière à ce que nous puissions tous les voir ; cela diffère du manga, mais les quelques modifications s’avèrent judicieuses, même si la fin parait plus précipitée. A ce propos, un des antagonistes disparait de manière tellement abrupte qu’il s’en dégage un aspect comique ; je m’attendais presque à ce que le réalisateur rajoute un petit bruitage rigolo, genre « plop » ou « prout ».
Mais là encore, la caractérisation des personnages reste sommaire. A tel point que je me suis demandé à qui se destinait cette production ; à priori, elle se veut accessible pour un nouveau public, mais elle évacue par des répliques évasives nombre d’éléments de l’histoire, comme le fait qu’il soit possible de sauter les combats contre Gemini et Libra. Le spectateur connaissant la licence saura pourquoi, mais sans doute pas le néophyte.
Voici un exemple de dialogue concis censé résumer des pans entiers de l’histoire :
- Mais, tu es Mû !
- Shiryu, tu connais Aries ?
- C’est un ami de mon maître Libra.
- Libra est ton maître ?
- Oui.
En contrepartie, les Gold Saints deviennent encore plus poseurs. Mû porte des lunettes façon majordome pervers pour fujoshi, Aldébaran possède une façon bien à lui de débarrasser la table, Deathmask chante, et Milo… Surprise !


Vous l’aurez compris, mieux vaut connaître l’œuvre d’origine pour aborder ce long-métrage, mais il faut aussi savoir ouvrir son esprit pour accepter toutes les modifications apportées entretemps, qui ne pourront autrement que choquer.
Néanmoins, à l’instar du manga, La Légende du Sanctuaire donne plus d’importance aux combats qu’à ce qu’il raconte. Et là, par contre, c’est orgiaque, c’est du grand art. Ce que j’avais reproché au dernier film d’animation Tekken, c’est que bien qu’adaptant un jeu de baston, il ne proposait pour ainsi dire aucune confrontation. Ici, c’est l’inverse : s’il n’y avait qu’une seule chose à retenir de cette production, ce seraient justement la tatane.
Dans l’anime, les personnages se toisaient, puis sortaient leurs attaques en hurlant leurs noms ; c’était classe, mais pas très dynamique. Les Guerriers d’Abel apporta quelque chose de différent, avec le combat Camus/Shura contre Joao/Bérénice : les Saints luttaient de concert, bougeaient, virevoltaient, c’était bien plus rythmé. Dans La Légende du Sanctuaire, c’est toujours aussi classe, mais c’est infiniment plus dynamique.


Vous vous rappelez, dans la série, les Gold Saints n’arrêtaient pas de se vanter en nous expliquant pouvoir bougent à la vitesse de la lumière. Sauf que cela ne se voyait pas. Désormais, ça se voit : ils se déplacent au moyen de mouvements d’une fluidité incroyable, avec des ralentis de tarés durant lesquels le temps s’arrête complètement autour d’eux, ça explose avec des lumières de partout. N’y allons pas par quatre chemins : les combats sont magnifiques, ils sont bien chorégraphiés, et ils possèdent tous au moins une idée originale, pour un résultat qui se voit à l’écran. C’est moins poétique, mais c’est plus impressionnant. A ce titre, le studio peut s’enorgueillir d’avoir parfaitement choisi son réalisateur : il fait le travail, multiplie les plans ridiculement épiques, et il faut bien cela pour faire passer un scénario qui, sans même le comparer avec celui du manga, n’est de toute façon pas un bon scénario de long-métrage, car trop confus, trop lacunaire, et trop perfectible.


Les nouveaux designs surprennent, mais finalement, je les ai globalement appréciés. J’aimais bien les temples en ruine de la série, mais le nouveau Sanctuaire ne manque pas d’attrait. Les nouvelles Clothes, très travaillées, apportent une originalité bienvenue, même si je regrette qu’il soit impossible de reconnaitre celles des Silver Saints ; l’ajout du casque intégral n’est pas illogique dans un contexte guerrier, même si je suppute qu’il sert surtout à ne pas avoir à animer les visages des personnages durant les confrontations. Juste un reproche concernant l’Aquarius Cloth : la jarre sur l’épaule la fait ressembler à un personnage de Samurai Pizza Cats, qui lui avait un mini canon au même endroit.
L’animation, c’est un point perfectible ; nous passons régulièrement de décors travaillés et de mouvements fluides – même si à des années-lumière du premier DreamWorks venu – à des scènes bien plus honteuses. C’est super inégal. Etrangement, les mimiques des Bronze Saints sont très appuyées, en particulier chez Seiya, ce qui augmente leur potentiel comique ; car il arrive que ce film propose quelques moments de comédie volontaire.


En prenant en compte tous ces éléments, je me vois bien incapable de donner un avis clair sur La Légende du Sanctuaire. Le passionné de Saint Seiya au fond de moi hurle à la fois de douleur et de rire, même s’il n’attend plus rien de cette franchise depuis bien longtemps, et qu’il s’était psychologiquement préparé à quelque chose de fondamentalement différent de ce qu’il connaissait. Le passionné de cinéma reprochera une technique largement perfectible, et un scénario précipité dont certains tenants et aboutissants ne peuvent être intégrés qu’à condition de connaitre l’œuvre, alors que cette production semble pourtant pensée pour toucher les néophytes en priorité. Et malgré tout, j’ai passé un bon moment, car les combats sont dynamiques, les Gold Saints classieux, les changements apportés à l’intrigue plutôt pertinents – c’est même souvent du bon sens – et il regorge de petites trouvailles.
Vous n’allez pas le croire, mais… je crois que j’ai apprécié.


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le 24 févr. 2015

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