Adapté du livre de Mahi Binedine, Les Etoiles de Sidi Moumen, Nabil Ayouch filme la destinée de plusieurs jeunes gens déphasés qui auront pris les armes contre un ennemi invisible, et commis plusieurs attentats en 2003 à Casablanca.
Les chevaux de Dieu est lui plutôt frontal et bienvenu, à l'opposé des récents films traitant du sujet aux enjeux floutés, comme réduits à l'exercice obligatoire aujourd'hui. Alors si le déroulé parait suivre le chemin tout tracé du drame sentimental avec ses évolutions attendues, aux clichés de la manipulation mentale, de situations déclinées à la bonne compréhension du phénomène et de son impact, reste que la mise en scène rythmée, et souvent tendue, évite tout effet de misérabilisme ou de jugement, seul le simple constat d'une catastrophe annoncée. Et à l'instar de La Cité de Dieu le cinéaste, par le choix d'acteurs inconnus issus du bidonville, rend tout son réalisme inquiétant (?) et sa puissance évocatrice, et certaines scènes perturbantes par ce qu'elles impliquent de désespérance.
La réussite tient aussi à la mise en scène immersive et sèche, d'ellipses judicieuses et de vues dynamiques qui souligne la fuite en avant où les jeunes déambulent entre le terrain de foot pour certains et le bar pour d'autres, rêvant de grandes destinées ou tout au moins, d'un misérable emploi. et l'enfermement par les dédales du bidonville, vues du ciel,
Découpé en deux parties, de l'enfance à celle de jeunes adultes, ce sera la violence des clans et les humiliations dès leur plus jeune âge, les rêves inaccessibles et les amours impossibles qui rendront possible la radicalisation. Les discours à sens unique des frères musulmans venant recruter tranquillement sous le nez des policiers, et entre préparation physique et manipulation verbale, la visualisation d'interviews appelant à la haine et à la violence entrecoupées de vidéos sur la technique de l'égorgement, afin de les préparer à leur future mission.
C'est bien le fossé entre éducation et langage des uns et aveuglement,par le besoin de reconnaissance des autres, qui souligne parfaitement les enjeux de la lutte contre ce phénomène ingérable et de la nécessité d'en réparer les causes et non les symptômes.
Le cinéaste s'attache à un réalisme délétère, filme l'environnement désolé de la périphérie du Maroc, met en premier plan les minorités et la misère sociale, la démission du gouvernement ou les conséquences de l'absence d'autorité parentale et parle de choses qui fâchent et entre fiction et réalité, c'est toujours une bonne idée.
Avec Razzia, film choral, ce sera la réforme de l'enseignement des années 80 et l'idéologie islamique, avec au premier plan les ravages sur la population Berbère, jusqu'aux années 2010 qui poursuit sa radicalisation. Son film Much Loved parle de la prostitution des femmes, ou encore l'homosexualité que Nabil Ayouch placera toujours en filigrane dans ses métrages. Même avec Watever Lola Wants, plus léger, c'est l'importance du regard à l'autre par le biais d'une même passion, la danse, qui permettait de créer le lien entre deux horizons.
L'art et la culture aussi, nécessaires à la lutte contre l'intégrisme, par la création d'un centre culturel.
Un cinéaste à suivre certainement.