Mario Bava réalise Les Chiens enragés en 1974, essayant ainsi de relancer une carrière qui patine. Plombé par la faillite d’un des producteurs, le film ne paraîtra pas du vivant du réalisateur mais seulement vingt ans plus tard, en 1998. Très éloigné du style habituel de Bava, Cani Arrabbiati raconte dans un mode très réaliste une prise d’otage qui tourne à la virée sanglante. Un road-movie spectaculaire et nerveux qui déconcertera les aficionados du maître du giallo.
Dottore, Bisturi et Trentadue
Les Chiens enragés, ce sont ces trois-là : Dottore, Bisturi et Trentadue, trois malfaiteurs qui braquent une banque, égorgent une femme dans un parking avant de fuir avec des otages. Ces trois affreux constituent un des principaux centres d’intérêt d’un film qui n’en manque pas. Âmes sensibles s’abstenir ! Le premier, cerveau du gang, est a priori le plus civilisé du trio infernal. Il tentera comme il peut de calmer les pulsions de ses deux acolytes. À commencer par Bisturi, psychopathe adepte du cran d’arrêt toujours prompt à trucider qui lui passe entre les mains. Quant à Trentadue (32), surnommé ainsi eu égard à la taille de son membre, c’est une brute épaisse à tendance alcoolique avec un sexe à la place du cerveau. Bref, d’abominables jojos avec lesquels les trois otages – une femme, un homme et un enfant malade – semblent bien mal embarqués.
Un poliziottesco dans les règles de l’art
Le film emprunte la plupart de ses codes au polar américain des années 70. On pense notamment à French Connection ou à certains films de Sam Peckinpah pour la violence des personnages. Mais il s’inscrit d’abord dans la tradition du poliziottesco, ce genre typiquement italien qui connut son heure de gloire durant les années de plomb. Au programme de ces polars italiens : truands sans pitié, attentats et prises d’otages. C’est cette atmosphère de violence radicale que l’on retrouve tout au long du film. Avec à la clé une mise en scène qui en accentue le réalisme : rythme nerveux, prise de vue en décor naturel et caméra collée aux visages. Sans oublier les notes tendues du compositeur Stelvio Cipriani.
Un thriller à contraintes parfaitement maitrisé
De fait, nous voici embarqués, avec la caméra de Bava dans l’habitacle d’une Fiat en compagnie des trois malfrats et de leurs otages. Soit sept personnes dans la modeste voiture si l’on compte le caméraman ! Une contrainte spatiale dont s’affranchit admirablement le réalisateur. Mais loin de n’être qu’une figure de style, ce choix contribue à la réussite du film. Un huis-clos d’autant plus oppressant que le temps lui-même semble compressé. En effet, Les Chiens enragés est un de ces très rares films dont l’action se déroule en temps réel. Quatre-vingt dix-huit minutes au cours desquelles nous nous retrouvons otages de la noirceur et du pessimisme de Mario Bava.
Une curiosité rééditée ce mois-ci par Sidonis Calysta.
7.5/10
Critique à retrouver sur le MagduCiné