J’ai découvert Les Choses de la vie à l’âge de 16 ans, quelque part dans les années 70, lors d’une séance au ciné-club du lycée, un lundi soir. Je ne me souviens plus exactement de ce qui m’avait tant touché à l’époque. Était-ce la beauté envoûtante de Romy Schneider ? L’intensité des vies de ces personnages, si pleines, si vibrantes ? Ou bien cette mise en scène audacieuse, ce slow motion fascinant qui suspend le temps et nous plonge dans le tourbillon des regrets et des décisions manquées ? Une chose est sûre : à chaque visionnage, le même choc, le même coup de cœur. Une vague d’enthousiasme et de mélancolie mêlées. Ce film est bien plus qu’une simple histoire d’amour et de destin brisé : il est le reflet d’une époque, celle d’une bourgeoisie française tout en élégance et en contradictions. Bien sûr, il y a les volutes de cigarette qui rythment chaque scène, mais surtout, il y a ce trio inoubliable : Piccoli, Romy, Léa. Une configuration presque banale, et pourtant sublimée par la mise en scène magistrale de Claude Sautet, la justesse bouleversante des acteurs et ces images au ralenti qui figent l’instant avec une poésie déchirante. Et puis, il y a ces moments suspendus, qui restent gravés à jamais : le regard bleu, troublant, de Romy lorsque Piccoli lui annonce qu’ils ne se verront pas de l’été. La voix off de Piccoli, portée par le roulis de la voiture, tandis qu’il médite sur cette lettre qui va tout changer. Les Choses de la vie, c’est tout ce que j’aime dans le cinéma français : une finesse rare, une psychologie subtile, ces retours en arrière vertigineux qui nous happent. Un chef-d’œuvre intemporel, où chaque acteur atteint l’apogée de son art. Un film qui, hier comme aujourd’hui, me bouleverse toujours autant.