Alors là, je plaide coupable. Surnotation, folie, chouchoutage, outrage ; tout ce que vous voulez. Je vous ai déjà parlé sur Pitch Black de mon amour pour le personnage de Riddick ; enfant spirituel du badass eighties, charcuteur aérodynamique, rejeton d’une interprétation primale du darwinisme sur pellicule. J’ai évoqué Rambo, Plissken, Shaefer, mais bordel comment ai je pu oublié Conan !
Oui, Conan. Furyen, orphelin, en furie, enfoiré sans prison fixe envoyé dans tous les trous du cul noirs de l’espace. Barbare en Ray-Ban, banni des rayons du soleil, luisant, rasé, trempé de sueur, tueur finalement plus pragmatique que sadique, à l’intelligence guerrière irréfutable, presque stratégique. Élu bâtard prophétisé, enchaîné, déchainé qui se lève lame dans un monde violent et finalement toujours aussi obscur et obscurantiste.
Oui Conan. Et pour ceux qui ne voient toujours pas l’analogie, regardez donc le dernier plan séquence des Chroniques.
Je concède très volontiers que ça peut être laid, bâtard et baveux formellement parlant. Towhy réalise un peu avec les pieds, voire avec les chevilles sur certains plans. Ça m’évoque cette laideur plastique distillée dans la nouvelle trilogie de Lucas, sortie à la même période. On a envie de vomir du pixel, ça sent le caoutchouc polonais sur les accessoires, l’incrustation tchétchène, le décor composité foireux plein de polystyrène et de fond vert.
Oui c’est vrai. Mais quelle ambition ! Et que c’est riche tout ça quand on y pense !
Partant d’un survival SF “bêtes et méchant“ fauché basé sur un concept simple (menace nocturne et obscurité sur planète hostile + prisonnier dangereux + mercenaires), le trio de créateurs profite d’un budget éminemment plus conséquent pour jeter les bases d’une trilogie qu’ils espéraient être le renouveau du Space Opera post 2000.
VLAN ! Pèlerinage des ténèbres de mangeurs de mondes chez qui la magie et la science forniquent pour mieux côtoyer l’au-delà et la superposition des plans, Underverse et non vie ou quasi morts —foutrement inspirés des précogs de K.Dick, tout comme la thématique morbide de la communication interdimensionnelle de l’espace et du temps, prophétie et arbitrage d’êtres éthérés (les Élémentaux), créatures mutantes électro-bio-méchanico-putrides détectrices de formes de vie (les Lensors), armada décadente menée par un leader joué par une moule mais aux propriétés et capacités surnaturelles forçant le respect.
Toute une mythologie au stade embryonnaire mais pleine de promesse, une cosmogonie à développer et une cosmologie prometteuse. Ça fleurait bon les voyages intergalactiques, la quête aux confins de l’univers avec —pourquoi pas— un soupçon de métaphysique, les peuplades hostiles et exotiques, les planètes concept (telles Crematoria ou celle issue de Pitch Black). On pouvait espérer révélations, exploration et action, bien sûr, parce qu’il ne faut pas oublier la tatane, c’est important la tatane, c’est la spécialité du Riddick.
Rien que pour cette richesse de bonne augure, cette ambition qu’aucun film de SF n’aura eu dans toute la décennie, et pour l’excitation —certes frustrée, mais bien réelle— qu’elle aura suscité, je monte ma note d’un point.
Malheureusement, un budget conséquent couplé à un échec commercial en salle tueront dans l’œuf les aspirations de ce qui devait former une trilogie en crescendo. Pour la petite histoire, le projet voué à moisir dans un cachot sombre des studios a dû attendre la demande insistante de fans de plus en plus nombreux d’une franchise passée culte sur le marché vidéo, une révision des ambitions à la baisse et une hypothèque de la maison de Diesel (véridique, sans jeu de mots) pour pouvoir revoir la lumière du jour. S’en suivra donc un épisode marquant un retour au concept de base ; survival donc, et dont j’espère qu’il saura au moins se montrer efficace, fort d’un PG 17 qu’on n’espérait plus, à défaut du Space Opera promis et fantasmé lors de l’épique conclusion du présent film.
Les Chroniques, c’est de la SF mi mystique, mi bourrine. De l’action qui fait bander…les muscles, des promesses à moitié tenues, de l’ambition salvatrice, du rythme comme on en voit plus depuis les 90’s, un peu de laideur, mais surtout une grande générosité. Les Chroniques, quoi qu’en dise le rabat-joie ou le méprisant, c’est une suite qui dépasse son prédécesseur, et qui donne envie de voir un troisième film.
Avec Diesel, ça roule.
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Critique de Pitch Black : http://sens.sc/16FXthv
Critique de Riddick : http://sens.sc/15IAh3h