La première partie des Climats semble être le contrepoint complémentaire d’Uzak : à la cohabitation indifférente et forcée de deux hommes succède ici les émois d’un couple. A la ville froide sous la neige un été éclatant, aux intérieurs étouffants les plages scintillantes. Seul le silence est commun aux deux films, associé à cette rigidité du plan fixe qui laisse lentement sourdre les émotions, au risque de l’austérité.
Entre les colonnes antiques et le sable brûlant de la Turquie, l’ouverture des Climats est éblouissante : par sa lumière qu’une photographie sublime souligne avec virtuosité, et par cette attention portée à la peau perlée de sueur. Les corps à la merci du soleil, et persistant à rester opaques à l’autre dessinent tout le programme d’une exploration qu’on qualifie à raison de bergmanienne.
Puisqu’on ne parle que très peu, c’est à l’image de prendre le relai des émotions et du drame en cours. Le visage de la femme est à lui seul un paysage sur lequel défilent toute les émotions, de l’étonnement à l’affliction qui précède les larmes. Très formaliste, Ceylan multiplie les petites expériences visuelles pour signifier le vertige de l’incommunicabilité : le jeu sur les champs et contre champs (on croit ainsi que l’homme parle seul et que la femme est dans l’eau, alors qu’une ellipse lui permet d’être derrière son visage et de n’apparaitre qu’au dernier moment), les miroirs et les cloisons (une discussion sentimentale dans un van sans cesse interrompue par des techniciens qui viennent en ouvrir le coffre ou la porte latérale) ne cesse de brouiller les pistes.
Le même souci du déséquilibre jalonne le récit, qui occasionne de brutales embardées avant de laisser la neurasthénie le gagner à nouveau : un accident provoqué à moto, une étreinte violente sur le parquet d’un salon (où les visages vont jusqu’à occulter le champ de la caméra) surprennent et brusquent le spectateur, sans toujours le convaincre. Le film accuse un certain essoufflement après la première rupture et s’égare dans des directions qu’il est difficile de toujours suivre, mais qui probablement épousent les errances d’un protagoniste en mal de repères sentimentaux.
Reste, comme souvent chez le cinéaste, des prises de vues à couper le souffle : un panorama sur les montagnes photographié par le protagoniste, (qui dans Uzak avait pour sujet des carreaux et semble prendre ici un peu de la hauteur…), la neige sur un tournage et un visage inoubliable ; c’est bien là que se loge le cinéma de Ceylan : au-delà des mots qui de toute façon appauvrissent ou mentent.

(7.5/10)
Sergent_Pepper
8
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le 19 mars 2015

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Sergent_Pepper

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