Présenté par beaucoup comme un film sur la naissance d'une nation (chilienne en l'occurrence), avec ses colons essayant de dompter les terres de feu hostiles à qui n'est pas mouton. A mon sens, Les Colons traite davantage de l'absurdité des hommes. Absurdité de coloniser une terre balayée par les vents, absurdité de s’attaquer aux populations natives qui ne gênent en rien l’élevage des moutons, absurdité de la violence, de la haine, du mépris. Le film en devient kafkaïen tant on se questionne sur l’intérêt de l’action des protagonistes, mais c’est exactement ce qui en fait la saveur.
Ce thème de l’absurdité est magnifiquement appuyé par une photographie froide, vaporeuse, qui parvient à glacer le spectateur. Le scientifique croisé à la frontière entre le Chili et l’Argentine nous glisse presque en aparté : « Avec des militaires qui s’ennuient, il ne peut rien arriver de bon ». C’est précisément ce que l’on ressent de l’atmosphère du film, entre le vent, les paysages désolés, le trio dont l’inimitée ne fait nul doute : rien de bon ne peut arriver. Et pendant la majeure partie du film, rien de bon n’arrive, et c’est pour cela que la fin du film, trop ancrée dans la réalité de la naissance de la nation chilienne vient diluer le message sur l’absurdité kafkaïenne de nos cow-boys perdus dans leur désert des Tartares.