Wade Hatton bourlingue depuis quelques années quand le troupeau qu'il convoie le mène à Dodge City. Cette ville, qu'il connaît bien puisqu'il a lui-même baptisée en l'honneur du colonel Dodge au côté duquel il se battit durant la guerre civile et au service duquel il travailla encore comme chasseur de bisons quelques années plus tard lors de l'élaboration du chemin de fer, s'est transformée, du fait de sa position privilégiée le long de la Frontière, passage obligé pour tous les convois de bétails, en pays de cocagne pour les bandits, véritable Babylone de l'Ouest. Elle est surtout aux mains de Jeff Surrett, et de sa bande, qui fait main basse sur chaque bête transitant par "sa" ville aux prix du sang. Dodge City n'est plus un lieu sûr et calme et sa population harangue le fraichement venu à s'emparer de l'étoile de shérif et à nettoyer la ville du vice et du pécher. D'autant plus que les deux hommes ont un vieux compte à régler.

Dodge City marque déjà la cinquième collaboration d'Errol Flynn avec Olivia de Havilland (entre les Aventures de Robins des Bois et celui-la, Curtiz les a dirigés dans Four's a Crowd et je prie de le trouver un jour) et la septième avec son réalisateur fétiche (Walsh mis à part). C'est également son premier Western. Pour l'occasion il est entouré de prestigieux seconds rôle et des certaines des gueules les plus marquantes du cinéma américain : au côté du fidèle Alan Hale on retrouve par exemple l'excellente, charmante et sous-employée Ann Sheridan (qui se rattrapera dans Silver River de Walsh en 1948) , le mécréant cabotin Bruce Cabot, le cruel et falciforme Victor Jory, le gentil benêt Guinn Williams ou encore inénarrable Ward Bond. Pour une fois le tournage se déroula sans accrocs particuliers si on passe sur les cadavres de bourbon que Flynn laissait dans sa loge et les cadavres de serpents qu'il laissait dans les sous-vêtements d'Olivia. Olivia justement qui, du haut de ses 23 ans, sortait tout juste auréolée du succès d'Autant en emporte le vent avec l'assurance que la notoriété mondiale du film pouvait lui conférer et entrait du même coup dans une nouvelle phase de sa carrière où elle abandonna les rôles de jolies princesses en détresse pour ceux de femmes émancipées (ce qu'elle était/est dans la vie également). Ce rôle en est la parfaite illustration : toujours belle à tomber, elle créée la stupéfaction dans les rangs lorsqu'elle quitte fourneaux et dès à coudre pour gagner la rédaction du canard local. Pour moi c'est également le film (avec Santa Fe Trail) où elle est la plus belle (ma photo de profil est d'ailleurs tiré du tournage). A noter qu'une suite, introduite dans l'ouverture de la scène finale, devait être tourné successivement et rassembler la même équipe. Cette suite fut effectivement tournée l'année suivante (Virginia City avec, outre le casting de Dodge City, Bogey et Randolph Scott) mais raconta, plutôt que les nouvelles aventures de Hatton et sa compagnie (inspiré de Wyatt Earp au passage), les péripéties du Capitaine Kerry Bradford durant la guerre civile. A ce titre, Santa Fe Trail, qui réunit une plus grosse partie de l'équipe technique et du casting de Dodge City, fait d'avantage office de suite (non officielle).

Concernant le film, il bénéficie du savoir faire et des moyens colossaux qui étaient alors alloués aux productions de Hal B. Wallis par les frangins Warner et jouit bien évidemment de la complicité du tandem Olivia-Errol ainsi que de celle de l'acteur avec Curtiz et son ami Hale. Quasiment tous les codes du Western y sont : les bisons, l'alcool, les colts, la poussière, les caravanes, la construction de la voie ferrée, le cheval de fer à la course avec les chevaux de chair de la diligence postale, les enchères aux bétails, le journal local, les bagarres dans les saloons (et quelle bagarre!), les Chorus Girls, les arrestations et les règlements de compte dont un final spectaculaire à bord d'un train en feu. Il ne manque finalement que les indiens (et encore ils sont cités à plusieurs reprises et on peut même en apercevoir lors de l'inauguration du chemin de fer). Le seul code qui manque finalement au film est le machisme. Et tant mieux! Quinze ans avant Johnny Guitare et Joan Crawford, Olivia s'émancipait déjà du joug sexiste de l'Ouest dans le premier western féministe de l'histoire (toute proportion gardée of course) et finissait d'asseoir sa légende dans mon cœur de cinéphile.
blig
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 17 sept. 2014

Modifiée

le 17 sept. 2014

Critique lue 425 fois

8 j'aime

2 commentaires

blig

Écrit par

Critique lue 425 fois

8
2

D'autres avis sur Les Conquérants

Les Conquérants
Docteur_Jivago
7

A Poor Lonesome Cowboy

Alors qu'il vient tout juste de mettre en scène le très bon Les Anges aux Figures Sales, Michael Curtiz propose une année après Dodge City où il va s'intéresser à la violence montant dans une ville...

le 1 sept. 2017

24 j'aime

11

Les Conquérants
Pruneau
7

Plan marshall

Curtiz a vu grand : le technicolor, des scènes d'action, des troupeaux (de vaches et de bisons), des saloons, des bandits, des trains lancés à toute allure, de quoi remplir une bonne demi-douzaine de...

le 19 janv. 2011

19 j'aime

5

Les Conquérants
Watchsky
9

Dodge City

Les habitants de Dodge City cherchent un sheriff pour faire régner l'ordre et la justice... Sorti en 1939, Les Conquérants témoigne de la volonté de la Warner Bros de produire un western...

le 11 janv. 2017

15 j'aime

7

Du même critique

Cinquante Nuances de Grey
blig
2

Le loup de Balls Street

Conversation téléphonique longue distance Seattle-New-York, une nuit chaude et électrique du mois de mai, entre un maître dominateur et son élève : Maître, Anastasia est partie... La pute...

Par

le 15 févr. 2015

278 j'aime

25

Le Labyrinthe
blig
3

The Naze Runner

- Tu t'appelles comment? - Je sais pas. - Lui c'est truc, lui c'est bidule. Eux ce sont des "runners", eux des paysans, eux des constructeurs. Comment t'as dis que tu t'appelais déjà? - Je sais...

Par

le 13 oct. 2014

250 j'aime

54

Kingsman - Services secrets
blig
7

Nique Fury

Qu'il soit gentleman ou pilier de comptoir, on interrompt jamais un homme qui boit une Guinness. Ça ne se fait pas, tout simplement. Manners Maketh Man. D'ailleurs on ne boit pas une Guinness, on la...

Par

le 18 févr. 2015

207 j'aime

8