Un film remarquable d'efficacité et formellement virtuose.

Dans une banlieue glauque de la région de Snowtown située en Australie, terre des pilleurs, violeurs, assassins et autres mécréants que mère nature semble avoir engendré avec fierté, une mère et ses quatre fils sont en proie à une violence constante faite drogues, abus sexuels, chômage. Un quotidien qui sent bon la misère sociale et intellectuelle, un quotidien où chacun de ses voisins est un détraqué sexuel pervers ne perdant pas une occasion pour se branler devant un enfant et le sodomiser, le tout avec un large, très large, sourire aux lèvres. Seulement voilà, un beau jour, ce quotidien auquel tout le monde s'est habitué, va se retrouver chamboulé par l'arrivée d'un être radical et sans concession débarquant sous les traits de John Bunting (Daniel Henshall), un homme démago et charismatique bien décidé à éradiquer les pervers sexuels du quartier. Ses méthodes sont limpides, à renfort de discours populiste et extrémiste, il persuade son entourage de l'épauler dans son délire morbide et psychotique. Il prend alors sous son aile le jeune Jamie (Lucas Pittaway) en se substituant au père qu'il n'a jamais connu et l'initie progressivement au meurtre. Commence dès lors une lente et douloureuse descente aux enfers pour cet adolescent perdu dans les limbes d'une société aussi sauvage que l'Homme auquel il voue une affection toute particulière.

Rien ne nous est épargné dans Les Crimes De Snowtown. A l'aide d'une photographie au grain presque documentaliste et d'une équipe de comédiens amateurs (seul Daniel Henshall avait déjà joué au cinéma) tout à fait exceptionnels, Justin Kurzel parvient à déstabiliser le spectateur le plus aguerri. Le film démarre en quelque sorte là où celui de David Schimmer, Trust, s'était arrêté. Que faut-il faire des délinquants sexuels ? Justin Kurzel explore les dérives de la justice personnelle, sa propagation facile dans un milieu abandonné et déserté par la police et l'éducation. John Bunting, derrière son masque de protecteur de la communauté, organise des tables rondes avec les voisins pour légitimer sa folie meurtrière. Les opinions sont déversées comme un tas d'ordure, les attardés, les homos, les handicapés, les drogués sont considérés comme inutiles et nocifs à la société, discours portant en eux les relents d'une philosophie néo-nazie. C'est le principal problème que pointe du doigt le film. Sous ses traits d'adorable nounours a qui on donnerait le bon Dieu sans confession, John Bunting est un être d'une immense sauvagerie, encore plus dangereux que les détraqués qu'il poursuit sans relâche.

Les Crimes de Snowtown frappe par son sens du récit désynchronisé, construit avec une intelligence narrative rare par le scénariste Shaun Grant, les scènes se chevauchent, le temps se dilate pour toujours se recouper et annoncer avec prémonition l'horreur à venir sous la couverture musicale de Jed Kurzel, le frère du réalisateur. Mais que dire du brio de la mise en scène ? Rarement un film n'a été plus insoutenable à regarder, certaines séquences sont d'une violence visuelle presque écœurante avec des scènes de torture interminables et des scènes de viols aussi problématiques que celles d'Irréversible de Gaspar Noé.

Mais en dépit de ces moments douloureux, de ce sentiment d'étranglement et d'étouffement permanent, le réalisateur a peint avec brio ce tueur assoiffé de vengeance devant être lui-même un pédé refoulé. Le messie devient diable, plus dangereux que les pédophiles eux-mêmes, plus malade qu'eux et ainsi donc, la violence exposée jusqu'à présent devient pleinement justifiée. Il fallait en passer par là. Le plus dingue c'est que jamais personne ne se révolte contre John Bunting, la police reste absente de cette odieuse descente aux enfers, laissant ces néo-nazis australiens se débrouiller entre eux. Et, le spectateur, assis sur un siège devenu soudainement inconfortable, constate l'effroi tout en reconnaissant le génie de Kurzel, celui d'avoir, pour un premier film, fait voler en éclats ses degrés de tolérance grâce à un film remarquable d'efficacité et formellement virtuose, inventif et profondément épris de désespoir.

On pourra toujours débattre de la nécessité de montrer la violence au cinéma mais on ne pourra jamais nier que ce réalisateur n'a pas réussi de la manière la plus géniale qui soit à élever sa mise en scène à la hauteur de son sujet. Une très grosse claque comme nous en avait déjà procuré des films comme Submarino et Bullhead.

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Auteur : Wesley
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le 7 mai 2012

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