Tatoueur d'âme

Cronenberg est un manipulateur d'une provocation dévorante et fascinante.

Dans les Crimes du Futur l'être humain est incarné dans sa "matière première". Il utilise sa chair comme une toile puis devient une source d'inspiration sous l'aspect de sa création originelle. L'artiste devient un catalogue d'oeuvre, interprété par Viggo Mortensen, mal en point en surface mais idéaliste, et donc doué d'une beauté intérieure.

De ces faits on peut aborder le film autant sur sa dimension scientifique, que sur sa dimension religieuse. Ici l'Homme se rassure en contrôlant les évolutions du corps humain, par un ordre aussi démuni soit-il (le Registre et la Brigade des Moeurs). Cyniquement, ça résonne sur notre époque. On tente vainement de fabriquer le nouveau, de chercher une explication à ces mutations, mais rien n'y fait, tout reste dans l'ombre, dissimulé, très vite expulsé. Et surtout magnifié par les émotions à fleur de peau de Léa Seydoux et Kristen Stewart.

Cronenberg nous annonce, sous son oeil sanglant, que le corps nous appartient mais qu'il n'est pas pour autant moins public. Il peut être objet de désir, inévitablement, et de consommation, mais aussi porte parole de nos états d'âme, et outil en faveur de l'évolution scientifique et du retournement politique. Lorsque Kristen Stewart verbalise l'enregistrement des nouveaux organes, ça sonne bizarrement, pourtant c'est ce que nous faisons déjà. Nous nous justifions sans cesse sur nos failles, nos traumas, dérèglements et différences. La proposition ici serait de s'approprier nos histoires, celle de notre corps dans un premier temps, en quête d'acceptation.

Entre l'érotisme et le ghore notre coeur balance. Les corps sont charcutés et ça existe les convoitises des spectateurs, du moins dans les performances du film, mais en est il de même dans les salles obscures? Posez la question aux tatoués !