En cette douce après midi d'oisiveté, l'envie m'est soudainement venue d'aller me taper un cinoche après une longue période d'abstinence. Sans plus réfléchir, j'enfile un t-shirt et des chaussettes propres, y coure et stoppe devant les affiches. Choix difficile : The Croods ou Evil Dead ? Après quelques minutes de chiante hésitation, j'optai avec témérité pour l'épouvante, l'horreur pure, prenant mon ticket et m'engouffrant dans une salle remplie de marmots armés de bacs de pop-corn, de jerrycans de coca, de nerfs surexcités et de cordes vocales puissantes aux aigus si stridents.
Les Croods, c'est donc le nouveau Dreamworks, et autant faire clair et rapide, c'est aussi un nouveau coup puissant porté avec hargne dans le sac de frappe de la compétition au titre de meilleur studio d'animation contemporain, propulsant ce dernier encore une bonne longueur d'avance devant le désormais fortement lesté et coulant Pixar et le très timide mais pourtant bourré de talent Chris Wedge chez la Fox.
Alors pourquoi ? Et bien d'entrée de jeu, on est happé dedans, le film est aussi fendart que punchy du début à la fin, suivant l'engrenage fortement plaisant d'une douce course à la surenchère visuelle culminant vers une apothéose littéralement explosive lors du dernier quart d'heure.
Le film vous balance dans la gueule des images qui cognent, et ce sont de bonnes grosses torgnoles graphiques qui tombent en avalanche devant vos yeux. Mais c'est loin de se contenter de ça. Si techniquement, et j'aurais voulu éviter cette éternelle et lassante comparaison, l'imagerie prouve ici ardemment que le studio pondu en partie par Spielberg a bien rattrapé son retard sur le rejeton de Disney, le film, à l'instar de ses illustres aînés Dragons et Les Cinq Légendes, est surtout une merveille dans l'animation et le sens de la mise en scène. Les personnages courent, sautent, volent, s'agrippent au rochers, bousillent et balancent des troncs d'arbres à des kilomètres, font face à un tas de créatures improbables comme un troupeau de gorilles après une cure de rayons gamma et la caméra tourne et virevolte autour d'eux avec un sens de l'action certes "blockbusterien" mais au combien efficace ici, rendant un hommage magnifique aux qualités de l'animation et à la créativité naissante de chaque instant.
L'histoire elle est soutenue par des ficelles (des câbles en titane plutôt) plus qu'énormes, nous livrant un message de quête initiatique familiale des plus conventionnel, fifille excessivement aventureuse et téméraire devant apprendre à écouter son papounet protecteur qui lui devra comprendre et respecter les choix de fifille et prendre confiance en lui et à son individualité pour avancer blablabla. Mais ça n'alourdit pas une seconde l'éclate qu'on ressent devant ce film jubilatoire, parce que c'est du Dreamworks, parce qu'aucune scène pouvant virer au pathos ne traîne en longueur, parce que vous ne trouverez pas de chansons larmoyantes ou pseudo pop-culturelles ici, parce que le rythme est purement excellent et ne laisse aucun souffle propice à l'exaspération, parce que ça tabasse et ça punch sans arrêt entre deux vannes qui fonctionnent et un tas d'images qui émerveillent, émulsion d'une flore chatoyante et d'un bestiaire aussi farfelu que génialement conçu, sur une bande originale plus que réjouissante de Monsieur Alan Silvestri (j'adore ce type), et le tout peut bien arriver à parfaire son boulot aussi en tirant à un moment ou un autre une petite larmichette d'émotion bienvenue, très vite rattrapée par une autre vanne ou une grosse baffe bourrine.
J'vais me répéter mais bon.. il le faut. Aujourd'hui, en ces années de froideur synthétique, ère glaciaire n'ayant ni épargné le cinéma live, ni l'animation, ou l'image de synthèse est sensée avoir le monopole du "réalisme" et de la "créativité", il faut définitivement compter sur Dreamworks pour amuser les gamins et faire passer d'excellents moments aux autres. Parce que franchement, c'est la défoule et ça fait du bien.
Pas aussi purement "beau" que Dragons et pas aussi charmant de magie que Les Cinq Légendes, Les Croods se contente de vous prendre violemment sous un bras de gorille surpuissant et de vous propulser dans un monde bluffant de merveilles sans jamais laisser la moindre place à autre chose qu'à l'émotion, quelle qu'elle soit.