Des trois Sergio du western spaghetti je convoque ici le deuxième dans l'ordre d'importance, à savoir Sergio Corbucci, réalisateur de l'éternel Django.
Avec « les Cruels », il s'applique à mettre en image encore une fois un scénario fou dont on ne retrouve l'audace généralement qu'en bande dessinée et signe un film qui ressemble à une lente descente aux enfers (peut-être métaphore de toute vie).
Il est amusant de constater que cet alter-cinéma destiné aux apôtres du mauvais goût d'antan soit devenu, dans l'intervalle, l'intransigeant bon goût des sachants d'une élite cinéphile. Personne n'avait alors reconnu le potentiel du spaghetti comme on reconnaîtra dans cent ans qu'il y avait mille fois plus d'art dans une boite de playmobil que dans un tableau de Soulages.
Joseph Cotten est parfait dans son rôle de patriarche manipulateur et forcené, ce jusqu’au-boutiste sudiste prêt à tous les forfaits pour reconstituer une armée fantoche. Ce délirant qui ne veut pas entrevoir que parfois la défaite est définitive et qui est prêt à entraîner toute sa famille dans son gouffre.
Le film commence véritablement quand Ben embauche Norma Bengell dans son saloon mal famé et que se noue entre eux une intrigue amoureuse. Amour qui sera triomphateur de la folie qu'est parfois l'aliénation familiale. Nos héros auront fait sécession d'un mal non identifié comme tel et en seront récompensés.
Pour conclure, un bon western du cinéma-bis qui nous montre que l'on ne se méfie jamais assez, que ce soit d'un mendiant à l'apparente inoffensivité ou d'un rejeton capable de violer une indienne sur ses terres et de vous amener l'apocalypse dans votre tribu. Comment un seul élément pourri peut engendrer l’annihilation de tout un groupe quand en plus des questions d'argent s'y superposent.
Le destin et l'atomisation d'une famille dont le projet était trop grand pour elle, macabrement irréalisable car soumis à des caractères par trop humains.
Samuel d'Halescourt