Je découvre Naomi Kawase avec ce film An ou Les Délices de Tokyo pour son titre français. Je ne connais pas cette cinéaste mais je sais que Still The Water me tentait, sans que je ne franchisse le pas. Toutefois, en lisant à gauche ou à droite certains avis, il semble que An soit son film le plus abordable.
A travers un cuisinier de dorayakis, une vieille femme qui souhaite travailler dans la boutique et une jeune lycéenne, la cinéaste nippone offre un film touchant et profondément humain. Il y a beaucoup de choses à dire face à cette oeuvre tant elle possède des richesses scénaristiques et qu'il y a plusieurs pistes de lecture aux relations qui se dégagent du trio.
D'une part, c'est une oeuvre où les relations intergénérationnelles qui sont montrées semblent importantes. Le cuisinier, Sentaro, va apprendre énormément au contact de Tokue, cette vieille femme. De même que la jeune lycéenne, Wakana. Toujours est-il que ces trois personnages vont se lier d'affection l'un pour l'autre.
Ces relations qui se créent démontrent également qu'il s'agit de trois personnes qui cachent finalement des profondes blessures. Car si Kawase offre un film qui sent le feel-good movie dans un premier temps, le retour à la réalité est assez brutal. En effet, Tokue est une vieille femme qui ne tiendra pas le choc face à la rumeur. La dame fut confinée dans un sanatorium, lorsqu'elle a attrapé la lèpre, enfant et n'en sortait jamais jusqu'à ce que la mesure de confinement des lépreux prenne fin dans les années 90. Sentaro est endetté à vie et a lourdement handicapé un homme lors d'une bagarre, plus tôt dans sa vie. Tandis que Wakana souffre d'une femme éclatée et déchirée et dont la mère n'est franchement pas une ressource. Elle voit en Sentaro une figure paternelle qu'elle semble avoir toujours recherché.
Le retour à la réalité peut sembler brutal mais est là pour nous rappeler que la vie est loin d'être facile (ça semble si bateau de dire cela de la sorte) et que tout un chacun, peu importe son passé, mérite finalement le bonheur même si sa vie peut paraître ratée. Car Tokue a peut-être vécu de manière isolée durant toute son existence mais il se dégage de cette vieille femme une énergie positive franchement remarquable.
Naomi Kawase filme au plus près ses personnages avec une simplicité remarquable. La caméra semble s'effacer pour mettre en avant ces trois personnes, jouées avec force et conviction par chacun des acteurs. La complicité est présente (aidée aussi par le fait que Kirin Kiki est la grand-mère de Kyara Uchida dans la vie).
Kirin Kiki qui joue d'ailleurs une vieille femme proche de la mort et qui semble profondément sereine face à cela. Il faut aussi noter que l'actrice souffrait (je ne sais pas si elle en a guéri) d'un cancer lors du tournage de An.
Il reste peut-être quelques moments plus faibles, un peu moins forts dans les relations entre les personnages.
Kawase est également une adepte de la contemplation de la nature avec les cerisiers en fleur ou les bois qui entourent le sanatorium. C'est aussi un film finalement reposant et rythmé par Tokue finalement. Une oeuvre qui nous rappelle également que dans notre société qui évolue trop vite, il faut savoir prendre le temps pour créer quelque chose qui en vaut la peine. Des heures de préparation sont nécessaire pour que Tokue puisse créer les confits de haricots dont tout le monde raffolera dans le quartier face à notre société qui veut que tout soit prêt le plus rapidement possible.
Kawase délivre ici en tout cas une oeuvre profondément humaine, nous rappelant peut-être par là certains points essentiels dans notre existence. Un film qui m'a donné envie d'en savoir plus sur cette cinéaste.
8,5/10