Je suis désolé, mais je vais devoir commencer cette critique par une définition. Promis, ce sera la seule !
Dorayaki : pâtisserie japonaise faite de deux pancakes, « kasuteras », fourré à la pâte de haricots rouges, « anko », ou tout simplement « an »
J'espère ne pas vous avoir perdu.
C'est l'histoire de deux personnes. Commençons par Tokue, une adorable petite vieille de 76 printemps. Imaginez un petit oiseau sautiller tout en souriant et en donnant d'adorables coups de têtes nerveux. Rajoutez-lui un bonnet, des lunettes teintées et un veston en laine rose : bonjour mamie.
Tokue veut réaliser un rêve qui lui tient à coeur depuis 50 ans : vendre des dorayakis. Mais à 76 ans, même en faisant partie du pays connu pour le nombre de ses centenaires, le travail en cuisine reste physique et on comprends que Sentaro, le quarantenaire chez qui elle vient frapper, hésite à l'engager. Mamie fait ses preuves et impressionne son patron, commence alors un travail en duo attirant beaucoup, beaucoup de monde à la petite échoppe.
Je pourrais vous saouler durant des heures sur à quel point le travail d'équipe est important, que tout est bien dans le meilleur des mondes, les sourires...si seulement le film nous en avait donné l'occasion. Dieu merci, on échappe à ces longs clichés. Non, les choses ne vont bien pour eux qu'un petit temps : Tokue, malgré son grand âge et sa lenteur, insiste pour faire la part du travail de Sentaro, ce dernier n'étant pas d'un coup de baguette magique inspiré pour faire des dorayakis à la hauteur de ceux de sa nouvelle employée. Pire encore : une rumeur se répand, contraignant la propriétaire de l'échoppe à pousser Tokue à la démission. « On a beau mener sa vie de manière irréprochable, parfois, les gens vous regardent et se mettent à avoir peur. Se retirer à ce moment-là est une preuve de sagesse »
Pendant ce temps, les choses ne sont pas rose non plus pour Sentaro. L'échoppe qu'il gère voit arriver le neveu de la propriétaire. « Vous avez de la chance de pouvoir former mon propre neveu, votre futur patron », caricature même du jeune veau mâchant un chewing-gum en prenant des photos avec son smartphone. Sentaro l'à dans l'aile, lui qui commençait enfin à apprécier son métier aux côtés de Tokue.
Ce qui m'a plus dans ce film est avant tout la pétillante Tokue. Peut-être avez-vous une grand-mère ou bien une prof toute aussi enjouée. C'est un véritable déchirement que de voir son évolution au fil du film. L'incarnation de ce genre de personnes qui ont besoin de travailler, de bouger pour vivre.
Quand à Sentaro...Sans aucun doute un gars routinier, qui va au boulot par nécessité, sans se plaindre, mais sans non plus chercher à s'épanouir dans son travail. Quelqu'un qui sait qu'il va passer sa vie dans cette échoppe sans que ça ne lui pose problème, mais sans que ça ne l'enthousiasme non plus. La répétitivité à l'état pur, seule sa mère est citée comme étant de son entourage durant tout le film. Mais également quelqu'un qui finit par prendre sa vie en main, de continuer comme il le souhaite, qui va chercher à s'améliorer dans quelque chose que d'autres personnes lui auront appris à aimer, la confection de dorayakis. La toute fin du film fut très étrange et pleine d'optimisme à la fois. Deux personnages qui se retrouvent grâce à point commun : l'isolement. Deux personnages qui vont chacun apporter quelque chose pour un temps, aussi court soit-il pour la vieille femme, aussi long soit-il pour un quarantenaire un peu long à la détente prisonnier de la nécessité.
Un personnage dont je n'ai pas encore parlé : Wakana. calme, réservées, silencieuse, elle est l'antithèse de certaines de ses camarades de classe bruyantes que Sentaro déteste, biens qu'elles soient des clientes régulières. Habituée de l'échoppe, elle finit par aider Sentaro et Tokue et vit sa propre sous-intrigue. Un personnage auquel on peut s'attacher, mais qui ne m'a pas paru si intéressant que cela. Une sorte de side-kick de Tokue, kickant les fesses de Sentaro en cas de besoin. On ne sait même pas ce qu'elle devient à la fin : est-elle à la fac ? Travaille-t-elle à l'échoppe avec le neveu de la propriétaire ? Mystère et boule de dorayaki.
Il peut paraître une certaine lenteur dans ce film, en particulier au début. A cela, j'objecterais deux choses : 1) L'esthétique asiatique (<3) et 2) Sentaro, alias monsieur-je-tire-une-gueule-et-je-fais-mon-boulot-sans-sourire-sans-m'épanouir, ce qui est recherché. De toute façon, qu'est-ce que vous foutriez dans une salle de cinéma à voir ce film si vous voulez de l'action ? Y'a un truc génial, ça s'appelle les synopsis à lire sur allociné. Mais je m'égare…
Pas d'action, donc, mais des personnages attachants, un souci du détail, une belle petite histoire et une invitation à prendre sa vie en main et en faire ce que l'on peut, ce que l'on veut, aussi courtes soient nos possibilités de manœuvre.