Ce film mérite que je forge un mot pour le décrire, si vous me permettez : le glamitsch, mot-valise désignant un mélange de glamour et de kitsch.
Au fond, la trame scénaristique est simple : chaque personnage cherche son âme soeur, et ne la trouvera que dans les dernières minutes du film, avec un petit suspense : vont-ils se trouver après s'être manqué tout au long du film ?
Des camionneurs passent un pont suspendu. Le temps de la traversée, ils font des cabrioles sur une musique jazzy. Et puis bon, il y a cette scène d'introduction des soeurs jumelles, avec un beau plan-séquence à la grue. Delphine est prof de danse, Solange de solfège. Toutes deux s'ennuient à Rochefort et voudraient aller à Paris. Leur mère, Yvonne, vend des frites sur la place principale. Elle sert Etienne et Bill, deux forains volages ("Nous voyageons, de ville en ville"). Il y a une jolie scène de rupture chantée de Deneuve avec son amant qui tient une galerie d'exposition. Pendant ce temps, Solange se fait draguer par monsieur Dame, le marchand d'instruments de musique (M. Piccolli). Il y a une scène de dîner qui n'apporte rien, mais dont les dialogues sont en alexandrins. Pour rendre service, Solange et Delphine font un numéro, habillées en robe fendue rouge, pour dépanner Bill et Etienne, dont les deux partenaires féminines se sont fait la malle avec des marins. Puis vient le moment du départ pour chacun. Solange rencontre enfin Andy Miller, monsieur Dame rencontre Yvonne. Et Delphine rencontre au tout dernier moment Maxence, ce jeune homme qui sans la connaître, a peint son portrait, celui de sa femme idéale.
La danse me fascine, mais me laisse une grande frustration. Ce n'est pas ce film qui me la fera aimer. Les chorégraphies font très artificiel et sont un peu approximatives. ça passe parce que la bande-son de Michel Legrand est incroyable. Mais bon, tous ces gens qui font des entrechats, ça a quelque chose d'assez ridicule. + C'est moi où il y a des passages où les interprètes chantent faux ?
En fait le problème vient surtout de la direction d'acteurs : les visages ont des expressions assez convenues.
Je reconnais en revanche un vrai travail sur les couleurs pastel. Ce serait tellement mieux si tout le monde s'habillait en couleurs primaires ! Bon, et les mouvements de grue sont très coulés, et collent parfaitement à la musique. En revanche il y aurait à redire sur les cadrages. Enfin, quelle plaisir, cette diction si parfaite des années 1960.
Mais ce film fait tellement BLANC ! Il a horriblement vieilli, avec des dialogues comme "elle est bath, votre fille" Dire que c'est 1967 : un an après, c'est Woodstock et l'occupation de la Sorbonne. Ce film a l'air du début des années 1960, au mieux. Les acteurs sont doublés sur les numéros de chanson, et quand c'est Piccoli, ça se voit VRAIMENT.
Parmi les choses rédhibitoires, Catherine Deneuve avec une vraie choucroute années 1960 sur la tête. Ha, et vu le nombre de petites culottes que l'on entrevoit quand ces dames lèvent la jambe en jupe plissée, ça ne m'étonnerait pas que ce film soit l'objet d'un véritable culte au Japon. Tiens d'ailleurs, un gros placement de produit Honda en milieu de film.
Quant à la conception de l'amour qui transparaît dans ce film, elle est charmante de superficialité rêveuse, mais combien éloignée de la réalité ! Chez Marivaux, auquel on pourrait penser, il y avait une réflexion sur les distinctions sociales, mais ici rien. C'est la classe moyenne des Trente Glorieuses qui fait des cabrioles en affichant des sourires Steradent. Je ne suis pas sûr que ce soir bon de mettre dans les esprits de telles niaiseries.
Oui, vous pouvez m'appeler "vieux ronchon".