Le film le plus Pop du monde est sucré comme un fruit gorgé de soleil. Alors on s'en met plein les yeux, quitte à frôler à deux trois reprises l'hyperglycémie ! En effet le kitsch n'est jamais loin et beaucoup s'arrêteront à cette artificialité de façade, à ce côté guimauve et peut-être un peu démodé. Pourtant il y a des dents qui grincent, comme un grain de sable qui souvent surprend, en particulier dans la deuxième moitié : Deneuve et Dorléac qui regardent leur tenue et se demandent si elles ne vont pas ressembler à des putes ; ce bon vieux Dutrouz qui découpent des femmes en rondelles ; Piccoli qui est passé à côté de l'amour de sa vie pour des broutilles...
Et à côté de ça plus de légèreté et plus d'humour que dans "Les parapluies de Cherbourg" qui, s'il avait déjà la force visuelle de l'oeil Demy-Varda, se prenait trop au sérieux et prétendait au chef d'oeuvre dans chaque plan. La musique en continue dans "Les parapluies..." forçait vraiment la comédie musicale là où elle ne se prêtait pas toujours. Ici on force aussi parfois le trait mais Demy semble être bien plus lucide et conscient de ses excès, il se cite, fait des clins d'oeil (à Donen, à Truffaut), et utilise les couleurs comme seul Minnelli, les décors comme seul Visconti avant lui. Dorléac crève l'écran, les numéros musicaux fonctionnent et si les acteurs sont souvent horripilants, on est comme anesthésié par toute cette bonne humeur - le bonbon est si acidulé qu'on ne sent plus le goût chimique derrière.
Années 1960 obligent, il faut tout de même avouer que la post-synchro fait des ravages, et c'était déjà le cas dans "Lola". La propension de Demy à l'hystérie est relativement canalisée et c'est davantage une énergie toute positive qui nous entraîne, pendant deux heures (peut-être un peuuuu longues), et nous fait danser dans notre salon devant ce films délicieux que nous avions envie de détester !