Libéré du carcan de la MGM et de son tyrannique président, Jules Dassin réalise en 1947 Les Démons de la liberté, le premier film dont il a l’entière maitrise artistique. Porté par la confrontation de deux acteurs charismatiques, Burt Lancaster en prisonnier frondeur et Hume Cronyn en gardien pervers, ce film carcéral est un incontournable du genre.
Un film de prison
On retrouve dans Brute Force - titre bien plus percutant que sa fade traduction française - la plupart des motifs du film de prison. Un pénitencier comme unité de lieu, une administration aux méthodes inhumaines et toute une gamme de prisonniers plus ou moins rompus à la discipline. Le scénario se focalise sur six codétenus injustement incarcérés. Parmi eux, le tough guy, Joe Collins, qui compte bien se tirer de là par tous les moyens possibles. Inspiré du témoignage d’un ancien prisonnier, les Démons de la liberté entendait dénoncer en 1947 les conditions de vie dans les prisons américaines. De fait, le film connut un vrai succès public et contribua à l’assouplissement des règles carcérales dans le pays.
La tour, prends garde !
Le plan d’évasion consiste à prendre par surprise la tour de garde et sa mitrailleuse. Un projet suicidaire « entrepris par des fous », estime le vieux taulard Gallagher qui en a vu d’autres. D’autant qu’en prison on vous balance pour deux cigarettes. Tout le scénario va être construit sur l’idée du coup d’avance, comme au jeu d’échecs auquel s’adonnent précisément deux des codétenus. Bientôt un bras de fer se met en place entre la bande à Collins et l’administration. Forces et faiblesses de caractère se révèlent alors dans chacun des deux camps.
Réquisitoire et censure
Parmi les durs à cuir il y a Munsey, le gardien en chef. Malgré son petit gabarit et ses manières affables c’est en réalité une ordure dont la soif de pouvoir n’a aucune limite. L’acteur Hume Cronyn, formé au théâtre apporte à son personnage un mélange de perversité et de narcissisme particulièrement antipathique. La scène, très violente, où il s’acharne sur un prisonnier sur fond de Wagner fut menacée de censure par les studios. Par chance il n’en fut rien, et Brute Force se regarde encore aujourd’hui tel qu’il fut souhaité par Jules Dassin, comme un réquisitoire sans concession contre la barbarie.
8/10
Critique publiée le 28/02/21 dans la rubrique "Classiques" du MagduCiné