Vu hier en présence de l'équipe du film, voilà un projet intéressant qui sort des sentiers battus du cinéma français. Si j'évoque dans le titre l’œuvre de Pierre Schoendoerffer, c'est parce que les deux long métrages sont intimement liés. Par le sujet même ; une colonne de soldats de l'armée française devant se frayer un chemin à travers la jungle indochinoise, harcelée par des ennemis quasi invisibles (les viêt-congs de la 317ème étant ici remplacés par des japonais). Mais le lien est encore plus fort quand on sait que "Les Derniers Hommes" part d'une volonté de Jacques Perrin, inoubliable jeune lieutenant du film de 1965 et qui a produit ce projet, comme une façon de boucler la boucle. Il n'aura malheureusement pas pu voir le résultat final, décédant quelques jours après la fin du tournage.
On suit donc ici un groupe de légionnaires complétement esseulé au sein des montagnes indochinoises, en 1945. Végétant depuis des années, abandonnés de tous, on y trouve des alcooliques, des drogués, tous ou presque dans une santé précaire, vêtus de quelques loques, lointain héritage d'un passé rutilant à la légion. Les japonais ayant lancés une attaque surprise (décidément, une habitude chez nos amis nippons) et particulièrement meurtrière sur les bases françaises indochinoises, les militaires doivent s'enfuir et parcourir plus de 200 kms en pleine jungle pour rejoindre la Chine, en évitant autant que possible les patrouilles japs écumant le territoire. On va donc assister durant 2 heures à un véritable chemin de croix, où peu à peu le groupe s'amenuise, à la merci de tous les dangers, qu'il s'agisse des balles japonaises ou de la nature particulièrement hostile. La faim tenaille, la folie guette et malgré tout, la solidarité est présente entre ces hommes usés par la vie mais qui essayent malgré tout de s'y accrocher. Toutes les défaillances individuelles sont atténuées par la force du groupe, ces "derniers hommes" qui se dépassent et arrivent à maintenir un semblant de cohésion au milieu de cet enfer.
Alors, 317ème section 2.0 ou pas? Et bien pas vraiment. Là où le film de Schoendorffer était un vrai film de guerre, ce n'est pas vraiment le cas du long métrage de David Oelhoffen, sans doute car ce n'était pas l'intention première du réal. On s'embarque ici dans une aventure aux frontières du mystique, quasi naturaliste, une approche qui m'a probablement désarçonné. Ayant revu la 317ème section la veille, je m'attendais à un film plus classique, comparable à un "Ennemi Intime", mais ce n'est pas le parti-pris proposé ici. Petit détail, le casting étant international (ce qui est assez logique, on suit des légionnaires), il n'est pas toujours évident de comprendre les dialogues entre les personnages, même si la compréhension générale n'en pâtit pas trop.
Au final, et malgré mes réserves sur le coté mystique du film, je recommande "Les Derniers Hommes", car il me semble important de soutenir ce genre de projets ambitieux très rares dans le cinéma français. Il a aussi le mérite de mettre la lumière sur une page d'histoire quasi inconnue du public français et de rendre hommage à ces hommes qui auraient pu tomber complétement dans l'oubli.