Guerre d'Indochine, l'ordre de faire évacuer les français est donné, sauf que la missive arrive un peu sur le tard...dans un hôpital de repos. Les estropiés, les rendus fous, les dépendants à plusieurs drogues, et leurs chefs (démunis) accueillent la nouvelle, se résignant à l'impossible : pour survivre à l'arrivée imminente des japonais, il faut rejoindre à pieds la côte chinoise (alliée). Mais la frontière est très loin, sans sentier précis dans une jungle qui regorge de dangers (en plus des japonais, évidemment). Clairement, on n'aurait pas connu précédemment le Monsieur David Oelhoffen (qui nous a vrillé le cœur avec son Loin des Hommes magnifique), on n'aurait pas tenté un énième film de guerre (avec le risque de voir une œuvre patriotique, ce qui nous barbe au plus haut point), et surprise encore une fois : on s'est fait attraper au col par la violence des sentiments, de la fraternité, de l'honneur, de la misère humaine qu'est capable de mettre en scène Oelhoffen. Dire qu'on a arrêté de respirer à chaque fois que cette troupe d'hommes craint que l'un d'entre eux (surtout les fous) ne fasse du bruit à l'approche des japonais, qu'on a eu pitié de ces pauvres hères qui n'ont pas demandé à être soldats, qu'on a eu un respect infini pour ce chef qui fait demi-tour pour chercher le moindre de ses gars laissé sur le carreau, tout ceci n'est qu'un vaste euphémisme. On boit ce film de bout en bout, en ayant à l'esprit qu'il est inspiré des mémoires écrites du chef (ce qui appelle à encore plus de respect), avec quelques effets de dramaturgie visibles, mais ayant aussi pour atout de ne pas prendre de vedette connue (donc impossible de savoir qui sera le premier à tomber...). On sursaute face aux balles qui percent le silence pesant, on s'insurge contre l'hérésie de la guerre (encore et toujours...), on est scié par la malchance infinie qu'ont eu ces hommes (
l'avion qui s'écrase
, alors qu'on croyait quelques hommes sauvés... On a retenu un beau juron, la mamie d'à côté l'a lâché à notre place : on compatit). On a encore été embarqué par le respect profond que Oelhoffen a pour ses personnages, leur donnant humanité, détresse profonde et compréhensible, et on est ressorti assez ébranlé par cette expérience humaine qui trouve là le plus sincère des hommages.