Critique : Les derniers jours (par Cineshow.fr)
L’été 2013 aura été sans nul doute l’une des périodes les plus intenses au niveau des sorties de « gros » films aux budgets faramineux. Avec des recettes pas toujours en adéquation avec les montants investis, nombreux ont été les exemples ces derniers mois à donner raison à Steven et George qui prévoyaient un changement fondamental dans la manière de produire des films après quelques gros crashs. Dans cette surenchère à qui sortira le plus gros chéquier, il arrive pourtant que des tous petits films se distinguent par des qualités de réalisation et d’écriture indéniables. Et finalement, qu’importe que les effets spéciaux ne soient pas deniers cris, quelque part quand l’histoire est bonne, l’histoire est bonne. Les Derniers Jours des frères Pastor appuiera donc à nouveau le constat que l’Espagne est sans nul doute le pays le plus efficace en terme de production de films de genre (horreur et fantastique principalement). Après des succès des tels que L’orphelinat ou Julia’s Eyes pour ce citer qu'eux , Les derniers jours vient donc modestement s’ajouter à cette liste et même si en soi le film est loin d’être le plus enthousiasmant de l’année, on ne saurait qu’être séduit par cette démarche volontaire et sincère de réaliser avec des moyens limités un film avec de vraies ambitions.
La question de la fin du monde fait partie de ces marronniers du cinéma, une thématique traitée à toutes les sauces et avec plus ou moins de moyens (on passe de 2012 d’Emmerich au chef d’œuvre Melancholia de Von Trier au film de genre à petit budget The Divide de Xavier Gens). La question passionne, terrorise à la fois, et permet aux artistes de se laisser aller aux fantasmes et hypothèses quant à la réaction de l’humanité face à l’inéluctable. Dans Les Derniers Jours, film de genre au budget plus que réduit (5 millions de dollars, pour ainsi dire, rien), la fratrie Pastor s’attaque donc au sujet de la contamination de la population déciment à tour de bras les habitants. Une situation planétaire se rependant via l’extérieur (comprenez que ceux qui restent au sein des bâtiments arrivent à échapper à la crise de démence collective conduisant à la mort des individus) et permettra aux réalisateurs de jouer la carte de la claustrophobie. Un choix malin aidé par une volonté de se focaliser sur les rapports humains là où d’autres seraient tentés par le spectaculaires low-cost (et donc peu efficace), et qui apporte à ces Derniers Jours un cachet d’authenticité pas si fréquent que cela dans ce type de production. Grâce à son récit non-linéaire enrichi de flashs-back de la vie du protagoniste principal, le film des frères Pastor détaille la régression des individus et leur adaptation à un contexte tout sauf habituel. Les personnages campés par Quim Gutiérrez (Inside, Azul) et José Coronado étaient respectivement employé et contrôleur qualité dans une grande entreprise informatique. L’un était visiblement peu à cheval sur les délais, l’autre un acteur mécanique du système, pointant les défaillances individuelles et agissant en conséquence. Ces deux êtres particulièrement peu empathiques se retrouvent alors à devoir cohabiter lorsque le monde s’effritera, et c’est bien dans les rapports mutuels de ces hommes que le film trouve sa véritable raison d’être. Rationalisation, instinct de survie, retours aux fondamentaux, nécessité de l’entraide, autant de thématiques relativement simples mais toujours traitées par la confrontation à l’autre. L’évolution des personnages et leur découverte d’un monde de survivants emmène le récit dans des questionnements auxquels il ne donne jamais de réponse, un choix pertinent qui permet aux Derniers Jours de se poser comme outils de réflexion plutôt que comme une simple redite ce qui a déjà pu être fait ailleurs.
Et cette réflexion générale qui plane au-dessus de lui nourri bien plus le long-métrage que les quelques rebondissements que l’on tentera de nous distiller, comme pour créer une once de surprise. L’enjeu n’était clairement pas là mais nul doute que les frères Pastor ont dû succomber à quelques facilité pour éviter que le film ne soit trop radical dans son traitement, voire antipathique. Pourtant, malgré ses approximations regrettables, Les Derniers Jours dégage une telle sincérité dans son traitement et d’une réelle volonté d’aborder des sujets complexes par le prisme du film de genre intimiste que l’on ne peut rester insensibles, y compris lorsque les SFX d’un Barcelone dévasté irritent fortement les yeux. La recherche de la mise en images du chaos, les questionnements sur des sujets comme la paternité, ou le retour à une société ébranlée et privée de structure gouvernementale, ou encore plus frontalement l’évocation de la crise Espagnole font du film des frères Pastor une proposition de cinéma tout à fait intéressante même si par certains aspects le film ne semble pas complètement abouti.