Si la version des 50's est nettement plus connue du grand public, le réalisateur de cette dernière, Cecil B. DeMille, avait pourtant déjà livré trois décennies auparavant une première mouture d'un de ses films les plus emblématiques. Années 20 oblige, c'est du noir et blanc, et surtout du muet. Ce dernier point sera à coup sur un frein pour pas mal de personnes. Et ceux-ci passeront à coté d'un excellent métrage. Autant je ne suis pas fan de tout ce qui touche à la religion (pour ne pas dire que ça me sort par les yeux), mais il y a une vrai maitrise du cinéma dans cette œuvre qui fait j’ai pu facilement faire abstraction de cette ambiance biblique omniprésente.
Le premier tiers s'attardera sur la fuite du peuple hébreu d’Égypte, incluant traversée au sec de la Mer Rouge, la révélation des fameux dix commandements, et la rupture d'un de ceux-ci en l'absence de Moïse parti faire causette avec le big boss. Intéressant pour ces quelques séquences d'effets spéciaux fait maison au rendus surprenants, pour ses nombreux figurants offrant des plans impressionnants pour l'époque, pour son coté brut de décoffrage aussi, avec tout ces ratés en live (cf les séquences avec les Égyptiens en chariots). Cette première partie fait mouche et va à l'essentiel, avant de surprendre via un changement d'époque pour se retrouver aux temps modernes. Et on aborde là la partie la plus passionnante du film. Cette heure et demie est une gigantesque métaphore.
D'une coté, Mary, courtisé par deux hommes, de l'autre, un charpentier (haha) et son frère entrepreneur charlatan qui va défoncer méthodiquement chacun des commandements, alors qu'issu d'une famille croyante. Mary épousera l'escroc sur un quiproquo savoureux, le triangle amoureux étant super bien maitrisé durant cette séquence révélation de sentiments au résultat inattendu. Si le charpentier va parfois flirter avec les limites d'un des commandements (tu ne convoiteras point), l’entrepreneur va y aller joyeusement dans le passage à tabac de ceux-ci, aux grand dam de sa mère qui passe la moitié de son temps avec sa bible.
La plupart auront reconnu des personnages bibliques associés aux rôles ci-dessus. L'image final est d'ailleurs superbe instantané, faisant écho à une séquence parallèle période Rois Mages and co. La partie au 20ème siècle offre quelques beaux plans (la construction de l'église) et apporte certaines touches d'humours légères. Le jeu d'acteur reste très théâtral, le cinéma étant encore jeune et beaucoup d'acteurs débarquant fraichement du théâtre. On a du coup l'impression qu'ils en font trop, mais on leur pardonne facilement, le coté muet ne permettant pas les dialogues statiques et obligeant les acteurs à donner d'eux-mêmes pour faire vivre l'action. Une bande-son tout ce qu'elle sonne de plus classique pour accompagner cette fresque biblique finit de parachever ce bon métrage du cinéma muet, l'un des films les plus ambitieux de son époque, tout comme le sera sa seconde version du même réalisateur.