Alors qu'il était déjà un réalisateur plutôt reconnu, "Les 10 commandements", qui sera un triomphe complet, permettra à Cecil B. DeMille de vraiment accéder à la notoriété et c'est à partir de là que sa réputation de faiseur d'immenses fresques (surtout biblique) prendra acte. Ici il met en scène les 10 commandements un peu à la manière de Griffith avec "Intolérance", c'est-à-dire à travers deux époques différentes, d'abord à la source puis à notre époque.
DeMiles consacre à peu près un tiers de son film à l'histoire de Moise, racontant comment il a reçu les 10 commandements tandis que dans les deux tiers suivants, il met en scène les 10 commandements dans l'ère moderne à travers l'histoire de deux frères que tout oppose, l'un athée et vivant dans le péché, l'autre vivant selon les commandements et qui devient un pauvre charpentier. Les deux frères ont en commun l'amour pour une femme.
Ce qui prédomine le film, c'est le sens de la mise en scène de DeMille, c'est tout simplement grandiose. Dans la première partie du film, c'est inoubliable et spectaculaire et les morceaux de bravoure ne manquent pas, notamment la façon dont Moise sépare la mer en deux. Armée de gigantesques décors et de nombreux figurants, la reconstitution est magistrale et le tout est superbement maîtrisé par DeMille qui ne manque pas d'idées et les concrétisent bien. Malheureusement cette première partie ressemble plus à une succession de magnifiques scènes qu'autre chose. Le problème, c'est que le récit est assez riche et que DeMille n'a pas le temps de tout bien retranscrire en une grosse quarantaine de minutes et finalement les personnages et événements sont peu marquants et peu voire pas du tout développés. À noter aussi des acteurs, notamment Moise, qui ont une certaine tendance au sur-jeu, dommage.
Dans la seconde partie c'est assez surprenant car là aussi on y trouve quelques moments de grâce mais totalement plombée par un symbolisme et un côté religieux trop mis en avant, provoquant pas mal de lourdeurs. Et notamment dans la description des deux frères où l'un est un vrai saint et l'autre une ordure de première car il est athée, sans oublier la mère qui ne jure que par la crainte de dieu, ce qui n'est pas vraiment maîtrisé par DeMiles qui accentue les lourdeurs et les passages inintéressants. Et puis, que dire de la (longue) scène finale qui représente le sommet du symbolisme biblique. Ce côté-là gâche pas mal de choses, car dans le traitement du triangle amoureux, c'est plutôt bien exploité par DeMille même si l'ensemble manque quand même d'intensité et d'intérêt malgré encore une fois de beaux tableaux.
Une fresque qui contient pas mal de beaux tableaux (avec, à de rares occasions, l’utilisation d'un filtre technicolor), parfois totalement impressionnant à l'image de la séparation de la mer par Moise mais qui contient aussi des lourdeurs et longueurs dues à un symbolisme et un côté religieux trop accentué et mal maîtrisé ainsi qu'une dernière partie qui manque d'intérêt et d'intensité... dommage.
Premier opus d'une trilogie biblique qui sera suivie par "The king ok kings" (1927) et The sign of the Cross" (1932), "The Ten Commandments" connaîtra un remake en 1956 qui, à l'image du Ben Hur de Wyler vis à vis de celui de Niblo, "éclipsera" cette version.