Alors que sa riche carrière couronnée de plusieurs succès commence à prendre fin, Cecil B. DeMille signe comme dernier film achevé une nouvelle version de l'histoire des 10 commandements qu'il avait déjà adaptée en 1923. Il met en scène la libération des Hébreux, qui étaient alors esclaves en Égypte, orchestré par Moïse.
Alors, autant le dire tout de suite, si j'apprécie les longues fresques de l'âge d'or hollywoodien, j'avais tout de même peur de l'excès de symbolisme et lourdeur dû à la religion, ce qui m'avait déjà dérangé dans la première version de DeMille ou dans un film comme "Ben Hur" version Wyler. Ici ce n'est pas le cas, loin de là même car si la religion est présente, elle n'est ni accentué, ni lourde et les propos de DeMille tournent plus autour de la liberté.
Ce n'est pas vraiment un remake du film qu'il a réalisé en 1923 mais plutôt une nouvelle adaptation des écrits bibliques où il se concentre uniquement sur la vie et le destin de Moïse (alors que ça n'occupait qu'un tiers de son film de 1923), de la façon dont il est élevé comme un prince alors qu'il était juste destiné à se faire tuer à sa naissance, jusqu'à l'exode. Pour ce, plusieurs passages sont réécrits car non présent dans la Bible, notamment ceux tournant autour des relations entre Moïse, Néfertari et Ramsès II et plus généralement les événements avant l'exode.
Et quelle claque ! Partant d'un scénario fort intéressant et très bien écrit, que ce soit au niveau des personnages, dialogues, relations entre eux et déroulement de l'histoire, Cecil B. DeMille livre une fresque aussi passionnante que grandiose. Son sens de la démesure n'a guère d'égal et il le maîtrise à merveille, exploitant de fort belle manière les nombreux décors et figurants (plus de 20 000, sans compter les 10 000 animaux), il a le sens du détail et livre une reconstitution à la fois gigantesque et minutieuse (surtout les intérieurs) que sa caméra met parfaitement en valeur, comme en témoignent de nombreuses scènes, que ce soit dans les palais, dans le désert ou bien évidemment toute la dernière partie du film et il donne un souffle épique à l'oeuvre.
Toute la réussite du film de DeMille tient au fait qu'il ne néglige jamais le fond pour la forme. Il prend le temps de bien développer les personnages et notamment le trio Moïse, Néfertari et Ramsès, mettre en avant les ambitions, hésitations et faiblesses des uns et des autres et oppose un Ramsès qui ne rêve que du trône et du pouvoir qui va avec face à Moïse qui lui se préoccupe d'autres choses. Puis peu à peu, après avoir étudié les relations, il met en place l'exode de Moïse après la découverte de ses origines puis sa quête à savoir libérer le peuple hébreu de l'esclavage.
L'ensemble est totalement maîtrisé par DeMille qui, à travers un montage intelligent, découpe son récit de manière fluide et, tout en braquant sa caméra sur Moïse, il donne de l'importance à tous les personnages sans en oublier. Le récit est riche et on n'a pas le temps de s'ennuyer, de plus DeMille alterne bien entre scène intimiste et spectaculaire. Il prend un parti pris parfois théâtral dans les dialogues et jeu d'acteur mais ici aussi il fait preuve de maîtrise et les envolées shakespeariennes de Moïse sont savoureuses. Visuellement, le film bénéficie d'un magnifique et flamboyant technicolor, de plus la partition musicale est parfaite et devant la caméra, les acteurs sont impeccables. Charlton Heston est charismatique à souhait en leader de foule et son charisme n'a peu d’égal. Et sinon, la distribution pharaonique est à la hauteur de son talent, que ce soit Yul Brynner, Vincent Price, Anne Baxter ou encore Edward G. Robinson.
C'est du très grand spectacle que propose Cecil B. DeMille avec Les Dix Commandements, à la hauteur de sa réputation, et ce dernier propose une oeuvre aussi aboutie sur le fond que la forme, à la fois épique, grandiose, intimiste et passionnant, le tout étant porté par un très grand et habité Charlton Heston.