"Je suis un Démon bidon... Les Dieux se sont foutus de ma gueule."

Jim Morrison semblait un sujet tellement doré pour un biopic que son existence si tardive semble presque absurde. Signé par le fan évident qu'est Oliver Stone (tous les albums sont représentés dans le film, et certains tubes sont absents, comme par exemple "Waiting for the sun", pour d'autres beaucoup moins connus !), le film aurait dû d'ailleurs s’appeler "Jim Morrison" et non "Les Doors". Loin de moi l'idée de râler pour ça, Morrison fascinait tellement tout le monde que sa tombe est devenue une des principales attractions touristiques de Paris. Mais bon... Les trois autres membres du groupe sont plutôt limités à une seule caractéristique, et encore, en interaction avec leur leader seulement. Tout juste on voit la copine de Manzareck. Or, ce dernier était également un personnage hyper intéressant ! Krieger et Densmore restent méconnus aussi, au niveau personnel ; ils n'ont pas été mis en valeur comme Gilmour ou Wright chez les Pink Floyd, ça aurait valu le coup de le faire avec ce film quand même, non ? Enfin, ça reste du chipotage de fan. Parce que oui, les Doors, malgré les innombrables problèmes qu'ils ont rencontrés dans toute leur carrière maudite, ont réussi à ne jamais sortir d'album raté. Peu de groupes peuvent en dire autant.
Ce film réussit quand même quelque chose d'hyper important : il fascine comme Morrison a pu fasciner. La mission principale est donc réussie. Ayant lu une biographie du bonhomme avant de voir le film, je dois dire que je l'ai regardé la première fois en mode fan-service (je me le reproche pas, pour une fois que je réagis comme ça devant un film !) : dès que je reconnaissais un instant de sa vie, je me disais "ah, ça y est, il va reconstituer ça !". C'est clair que Stone a voulu montrer sa propre vision de fan sur le leader des Doors, quitte à édulcorer son comportement, et ça se comprend aisément. Il a même modifié certains éléments biographiques, pour romantiser son scénario. Morrison scrutait sa petite amie, certes, mais c'était la première, quand il était étudiant, et non Pamela Courson ; elle était d'abord draguée par John Densmore, mais elle avait jeté son dévolu sur Morrison lors d'un diner. Rien à voir avec ce que le film montre, quoi. On peut noter également que Morrison insiste beaucoup, beaucoup plus sur le mot "planer" dans "Light My Fire", lors du passage à la télé, que dans la réalité, où il ne faisait que le prononcer comme il l'avait prévu. Mais ça me gène pas, parce que c'est justifié. Par contre, il y a deux grosses erreurs biographiques que je n'accepte pas. D'abord, la personnalité de Pamela Courson justement. Je sais que, selon la volonté des parents de cette dernière, on a pas insisté sur sa toxicomanie (faut savoir que les derniers mois de Morrison, elle était devenue une épave complètement larguée, bien plus que son compagnon)... Par contre, son caractère ? Dans le film, elle est quasi lisse, entièrement tournée vers Morrison, beaucoup plus raisonnée que lui. Ce qui est totalement faux : tous les témoins de leurs vies sont d'accord pour dire qu'elle était encore plus excessive que Morrison. Elle jetait ses bouquins par la fenêtre, elle le trompait autant que lui le faisait (et non, pas seulement par "jalousie" !!), elle engueulait sans pitié... Rock'N Roll quoi ! Mais non, dans le film, elle est presque sage. Le deuxième point, c'est l'intellectualisme de Morrison qui est clairement mis de côté. Certes, Stone parle de sa cinéphilie. Mais la vraie passion dévorante de Morrison, les seuls objets qu'il a trimballés partout toute sa vie, c'était les livres ! Et il n'y a pas un mot là-dessus dans le film, alors qu'ils sont l'explication et la base de l'énigme Morrison (l'influence de Nietzsche et Rimbaud -tout juste une insinuation pour ce dernier-, sa culture qui rivalisait avec celle de ses profs...). Je ne compte pas l'évocation des "Portes de la Perception", parce que ne pas en parler aurait été, forcément, indigne d'un fan des Doors. Voilà, à part ces deux points, je râle pas : c'est fidèle, romanisé, poétisé, en bref un biopic de grande qualité comme il se doit. Les chansons sont impeccablement représentées. Notamment la très audacieuse relecture de "The End", réinterprétée en entier, insinuée comme ayant eu naissance en plein trip dans le désert... Mais également "Feast of Friends" lors du passage au Père-Lachaise, qui fout les frissons. Les séquences d'enregistrement solos dans le studio sont mémorables, la séquence d'introduction juste nickel chrome. Val Kilmer fait super bien le taff, comme les autres membres du casting. Quant à la mise en scène de Stone, la passion pour son sujet transpire de partout, il nous embarque sans problèmes dans sa propre fascination pour ce festival d'excès provoqués par la curiosité phénoménale et autodestructrice qui dévorait Le Roi Lézard. La représentation du concert de Miami en 1969, défi à lui tout-seul, fut relevé haut la main : la folie de ce concert est palpable. Bien sûr, certaines choses sont maladroites, comme les derniers dialogues du film à Paris. Mais ça devient des détails, devant cette sincère envie de déployer son amour pour les Doors que chaque plan semble renvoyer, ainsi qu'à cette époque où la liberté s’apprenait comme un abandon de soi-même.
Mais, comme je le disais au début, j'avais regardé le film en mode fan service. Alors, je me suis posé la question du point de vue de quelqu'un ne connaissant quasiment pas les Doors. Comprendrait-il le film ? Parce que bon, l'auto-stop au tout début, c'est pas hyper clair par exemple (si certains ne savent pas : Morrison avait rejoint son école de cinéma en auto-stop, ce qui a impliqué de traverser le pays, et ce en ayant à peine averti ses parents). Alors, je l'ai revu avec un ami qui n'y connaissait rien. Et il a tout compris. Et il connait désormais bien l'histoire des Doors. Et il s'intéresse à leur musique. Je le répète : c'était le plus important dans l'initiative de ce film.

Billy98
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le 18 juil. 2018

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Billy98

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