Les débuts de Jean-Pierre Mocky
Après un faux départ (il devait réaliser Les yeux sans visage), Jean-Pierre Mocky tourne le premier de sa large filmographie en parlant d'un sujet très novateur à l'époque, la drague.
On suit deux jeunes hommes, qui ne se connaissent pas au départ, qui vont faire le tour de Paris et de ses soirées branchées pour draguer des filles, le temps d'une nuit la plupart du temps. L'un, incarné par Charles Aznavour, est un dragueur maladroit mais qui cherche clairement à se caser, tandis que l'autre, joué par Jacques Charrier, est un séducteur sûr de lui, qui ne veut pas forcément se lier à une femme, mais qui veut prendre du bon temps.
Tout au long du film, ils vont rencontrer plusieurs femmes aux caractères différents, mais dont ils ressortiront changés.
Dans l'esprit, le film rappelle beaucoup Les tricheurs, sorti plus tôt, mais on sent davantage ici le sentiment de vérité, et non la claustration de petits bourgeois. C'est un film qui parle aussi de ce qu'est une jeune femme en 1958 ; quelqu'un qui a des envies, qui veut prendre du bon temps, en bref jouir de la vie avant le mariage chez qui, pour certaines, est vécu comme un fardeau. Mais c'est aussi la femme qui prend ouvertement le pouvoir sur l'homme, à l'instar du personnage joué par Dany Carrel, laquelle fait tourner en bourrique le pauvre Charles Aznavour en se demandant si elle veut coucher avec lui ou non.
Parmi toutes les femmes rencontrées, la plus intéressante de toutes est sans conteste celle jouée par Anouk Aimée, qui va bouleverser Jacques Charrier. En effet, il craque totalement sur elle (et il y a de quoi), mais elle ne veut pas aller plus loin que la discussion pour la simple raison est qu'elle a un pied-bot, ce qui la complexe. A partir de là, le film va prendre une tournure un peu plus mélancolique sur le personnage de Charrier, en se rendant compte de l'occasion en or de rencontrer plus qu'une fille qu'on drague.
On ne peut pas vraiment parler de système Mocky, mais chacune des rencontres se compose comme un sketch, sans passage à l'acte, et où les deux dragueurs batifolent dans les endroits chics de Paris.
Bien que Charles Aznavour me paraisse trop âgé pour le rôle (il avait plus de 30 ans, soit plus de dix ans d'écart avec Jacques Charrier), il a en lui une belle candeur, comme si il était naïf et voulant juste suivre le personnage de Charrier comme un disciple. Pour en revenir à ce dernier, si il est désormais connu pour avoir épousé Brigitte Bardot, il est pas mal dans le genre ténébreux, à vouloir draguer comme si il était dans un manque permanent, et dont le dernier (très beau) plan final le laisse dans une grande solitude.
Outre ces acteurs, on y trouve aussi Nicole Berger, Estalla Blain ainsi que Belinda Lee.
Après la découverte de ce film, je suis très surpris de savoir que c'est du Jean-Pierre Mocky (qui ne joue pas d'ailleurs), car c'est tellement loin de ce qu'il a produit par la suite. On pense plus à ce qu'est la Nouvelle Vague, à savoir une représentation de la jeunesse (le film rappelle aussi Les cousins), filmé dans les rues mêmes de Paris (ce qui, plus de 50 ans, lui donne un charme pittoresque) ou des acteurs qui n'en font pas des tonnes.
C'est un très joli film, qui a mis en avant le terme de "dragueur", et assez représentatif de son époque.