Sans toi je ne suis rien.
Benoît Poelvoorde, icône de la rigolade, mais dont les derniers films nous avaient laissé croire qu'il ne ferait plus jamais rien de bon, nous revient dans une comédie contemporaine, épaulé par la belle et douce Isabelle Carré. Est-ce que la nouvelle réalisation signée Jean-Pierre Améris sera à la hauteur de nos attentes ?
Jean-René (Benoît Poelvoorde), patron d'une fabrique de chocolat, et Angélique (Isabelle Carré), chocolatière de talent, sont deux grands émotifs. Les ventes de la fabrique chutant, Jean-René aura besoin d'embaucher un commercial pour relancer les affaires. Incapable de converser avec une femme, il choisira Angélique, sans rien savoir d'elle. Peu à peu ils se découvriront l'un l'autre, tomberont amoureux, mais tentant de cacher leur émotivité, refouleront leurs sentiments.
A une époque où il est devenu indispensable de prendre son rendez-vous chez le psy trois mois à l'avance, et où l'on observe une explosion des ventes d'antidépresseurs et bêtabloquants, un réalisateur s'est enfin levé pour s'attaquer au problème de la phobie sociale, fléau du 21ème siècle. Ce réalisateur c'est Jean-Pierre Améris, et il faut bien admettre qu'il dépeint ces émotifs avec une délicatesse et un amour palpable, de façon pudique et respectueuse, et réussissant avec une incroyable magie à les rendre émouvants, amusants, sans jamais faire tourner leur pathologie au ridicule, ce qui n'était pas le cas avec Les Associés de Ridley Scott, qui bien que sympathique, dénotait une ignorance totale du sujet de la par du réalisateur.
L'écriture est parfaite, Poelvoorde et Carré nous servant des dialogues de sourds au cours desquels chacun des deux répond à côté pour éviter la situation, bien qu'elle soit plus entreprenante que lui, tentant d'aller au devant des choses, alors que lui ira dans le sens inverse.
Deux êtres séparés par un point commun qui les empêche de se révéler leur amour, c'est probablement l'une des plus belles « excuses » pour faire une comédie sentimentale que l'on aura vu depuis longtemps.
Point intéressant, plutôt que broder et risquer de tourner en rond comme le font beaucoup de comédies sentimentales, Améris boucle son film en une heure et dix minutes, condensant suffisamment la chose pour que les émotifs anonymes qui ont du mal à tenir dans une salle plus d'une heure et demi puisse néanmoins aller le voir, sans risquer la tachycardie.
Bref, Les Emotifs Anonymes est la comédie sentimentale la plus intelligente de l'année, traitant avec une exquise légèreté un problème pourtant handicapant pour de nombreuses personnes, et leur offrant une véritable bouffée d'oxygène, débordante d'humour et de sentiments. Un message d'espoir lancé par un émotif non-anonyme aux millions d'émotifs qui le cachent aux autres, et aussi souvent à eux-mêmes.
On retiendra également une esthétique visuelle particulière, empruntant beaucoup aux années 70, et tranchant littéralement avec l'actualité du sujet. Le thème du film, Big Jet Plane, interprété par Angus et Julia Stone est également un atout non négligeable, renforçant le côté fondant de ce chocolat à la ganache.
Sans surprises dans sa finalité, ce sont les multiples situations cocasses et maladresses des protagonistes qui en créeront la trame, deux âmes soeurs qui auront mis longtemps à se trouver, auxquelles on s'identifiera ou non, mais qui ne pourront pas laisser insensible.
Pour conclure, les émotifs anonymes ou non se doivent de voir cette perle qui leur est dédiée, et craqueront pour cette reconnaissance publique du problème. Les autres auront du mal à résister au charme du duo Poelvoorde/Carré, et ne risqueront de toute façon pas grand chose vu la relative concision du métrage.
Mention spéciale évidemment pour le duo Poelvoorde/Carré, tous les deux parfaits dans leurs rôles, que ça soit lui en vieux garçon coincé et touchant, et elle en vieille fille fragile et pétillante que l'on aurait envie de croquer.
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