Mata Hari contre les nazis
Une belle jeune femme américaine (Ingrid Bergman)mais d'origine allemande, au cours de la seconde guerre mondiale, se voit demander par un agent dont elle tombe amoureuse (Cary Grant) d'infiltrer un réseau de nazis, et même d'en épouser un pour mieux parer tout soupçon. Intrigue simple dont on devine quelque peu les ressorts mais dont le savoir-faire de tonton Hitchcock va tirer le meilleur parti pour donner un film où le suspens finit par l'emporter sur la romance.
Le déroulement de l'intrigue se rapproche pour beaucoup de celui de « Soupçons » film réalisé quelque temps avant et dont on peut compter nombre de parallèles : la romance, le doute, l'action, l'isolement, la mort imminente.
Ce film qui compte peut-être moins dans la filmographie du réalisateur, fait montre toutefois de beaucoup de réussites et d'audaces visuelles et scénaristiques : ainsi l'héroïne, on nous le fait comprendre bien vite, est une fille « qui aime faire la fête avec des hommes », sous-entendue alcoolique et fille facile, sa crédibilité est d'ailleurs plusieurs fois remise en cause de ce fait par les différents protagonistes, également les nombreux et courts baisers échangés entre notre couple de héros, à forte charge érotique : Hitchcock avait divisé la durée maximum autorisée de baisers échangés pour renforcer l'intimité de ses personnages. Autre prouesse : les cadrages ultra modernes, les longs travelling de caméra qui souvent suivent les personnages en vue subjective, ou parfois pour mieux se focaliser sur l'élément clef (c'est le cas de le dire) de l'action : ainsi lors de la réception où Ingrid Bergman doit dérober la clef de la cave où est censé être caché un laboratoire, la caméra revient plusieurs fois dessus en soulignant le regard avide de l'actrice. Les gros plans sont nombreux et viennent toujours appuyer l’ambiguïté des rôles.
Si la première partie du film se laisse regarder avec un intérêt poli, la suite elle, est beaucoup plus trépidante : le mariage avec un agent nazi (le très raffiné et suave Claude Rains) les échanges d'information, la réception où Cary Grant doit retrouver des preuves le temps d'une valse, la fuite face aux allemands.
Ingrid Bergman rend très juste un personnage probablement assez niais sur le papier, Cary Grant prend bien la mesure de son contre-emploi en agent froid et blasé, tandis que les deux « méchants » Claude Rains et Mme Léopold Konstantin sont parfaits en agents calculateurs et sans pitié.
Un film certainement mineur pour Hitchcock mais une réussite malgré tout.