Dans un village de la France occupée des années 40, la jeune Henriette (Adèle Haenel dont la présence à l’écran saute aux yeux), travaille à la ferme familiale. Elle est proche de son grand-père, alors que sa mère est absente car occupée par ses activités de résistante. Henriette circule assez librement, à pied, sur des routes qu’elle connaît depuis toujours, ignorant autant que possible les soldats allemands qu’elle croise à l’occasion. Tout va basculer le jour où l’un d’eux, Josef (Félix M. Ott), s’arrange pour être seul au moment où il la croise sur un pont.
Bien décidé à tenter sa chance, il l’aborde. Comme Henriette l’ignore et poursuit son chemin, il annonce son dépit en sautant du pont dans la rivière en contrebas. Henriette ne peut pas faire autrement que de jeter un coup d’œil puis de descendre jusqu’à la rivière.
C’est ainsi que naît leur histoire d’amour.
Ce film a le mérite d’oser montrer que ce qui fut décrié à la Libération n’était pas forcément honteux, comme la majorité voulait le faire croire. Ce qui n’empêche pas les questionnements, car Henriette est incitée par sa famille à mettre fin à cette histoire (les tourtereaux ne se cachant pas vraiment, tout le voisinage est au courant, en particulier Marcel (Arthur Igual) l’ami d’enfance d’Henriette qui éprouve une forte jalousie). Le film fait sentir sa difficile position de promis depuis toujours à Henriette, alors qu’ils n’ont jamais dépassé leur complicité enfantine. Enfin, alors que la tension monte - car de nombreux signes montrent que la Libération approche - Henriette cherche à mieux comprendre Josef. On réalise alors avec elle que Josef est un allemand ordinaire, avec ses qualités et ses défauts.
Parce qu’il croit qu’Hitler guide l’Allemagne dans le bon sens, il l’admire. Et oui, lui Josef a tué des ennemis, avant tout parce qu’il s’est trouvé dans la situation où c’était lui ou l’autre.
C’est donc un jeune homme comme bien d’autres, sans aucun recul personnel. La seule chose qu’il voit, c’est qu’Henriette lui plait et que son histoire d’amour avec elle le comble. Malheureusement, son régiment va très prochainement devoir évacuer la région. Josef va laisser Henriette affronter seule la Libération de la région…
Avec ce court métrage (26 minutes), la réalisatrice Caroline Deruas-Garrel trouve un format suffisant pour faire sentir tout ce qui l’intéresse. La naissance d’un amour en fait le centre, avec ses moments d’étonnements et ses fulgurances, en particulier la joie. Sans moyens particuliers, elle fait sentir l’ambiance de l’Occupation sans chercher à aller trop loin, ce qui serait inutile tant le nombre de films sur le sujet abondent. De plus, elle joue avec bonheur de l’ambiance particulière de la campagne. Et elle fait comprendre tous les doutes qui agitent Henriette : vis–à-vis de sa famille (lettre particulièrement terrible de sa mère), vis-à-vis de son ami d’enfance et dans son exploration de tout ce que Josef a en tête.