Si les femmes vivent plus longtemps que les hommes, c’est pour avoir le dernier mot.
Contrairement à son titre qualifiant les enfants, cette affiche peu accrocheuse n'est elle, pas terrible !
Second des 13 films de Melville qui semblait encore se chercher après un premier fait "avec son sang"...
Il semble ici attiré par la"jet-set", la notoriété qu'elle pouvait lui apporter, les portes qu'elle pouvait lui ouvrir...
D'ailleurs, ici et pour flatter Cocteau, ou s'attirer ses bonnes grâces, le nom de ce poète, peintre, dessinateur, dramaturge et cinéaste français s'étale et se voit plus sur l'affiche que celui des autres. Même si Grumbach a mis le sien tout en haut pour quand même rappeler son existence... Grumbach ? Eh oui, c'est ainsi que Melville s'appelait en réalité, et s'il avait pris ce dernier pseudo, c'était pour ne pas être identifié pendant la guerre. Il ne s'en était plus séparé ensuite, comme une seconde peau après une mue...
On ne jettera donc pas la pierre au réalisateur d'avoir été un tantinet "arriviste" et se donner les moyens de ses ambitions... Il se payait en effet le luxe à l'époque d'être un marginal dans la profession : il voulait rester son propre producteur et s'était offert le rêve jalousé d'avoir acquis et créé en 1947 les studios "Jenner" (rue Jenner à Paris) : un ancien entrepôt désaffecté qu'il avait transformé et au-dessus duquel il vivait,. Ainsi, la nuit, il pouvait selon son gré et son inspiration, préparer les prises de vues du lendemain... Ne les cherchez plus : incendiés, ils furent démolis
mais une plaque paraît-il en témoigne de l'existence... Ceci explique peut-être le gout du réalisateur pour les films essentiellement tournés en huis-clos comme ce film intello-intimiste...
Huis-clos que je déteste au cinéma mais égayé dans ce récit par quelques rares extérieurs pas chers à réaliser.
Cette valse-hésitation du récit dans le plus pur style "Je t'aime, moi non plus"entre un garçon et sa sœur, aux relations ambigües, finissent par devenir agaçantes, longuettes et surtout bien trop intellos...
Si la nouvelle vague du cinéma signifie film incompréhensible, construit de bric et de broc façon Godard, alors oui, Melville en est un précurseur. Cliché qu'il récusait :" Vous vous rendez compte, j'aurais bien trop d'enfants !" rétorquait-il dans une de ses biographies télévisées...
D'autant qu'il refusa toujours une réelle paternité familiale, incompatible selon lui avec le métier du cinéma et trop envahissante pour fonder une vraie famille. Et pourtant selon un de ses neveux "Melville aimait beaucoup, beaucoup, beaucoup (...) les femmes" ...
Ce film psychologique fit passer peut-être Melville pour un intellectuel, tout comme celui du
"Silence de la mer de Vercors" ressemblant trop à du Cocteau...
Alors que pour le réalisateur, l'effort de création, de tournage, de distribution et d'exploitation d'un film n'avaient rien d'intellectuel et demeurait en permanence risqué : "C'est le métier le plus dangereux du monde" affirmait-il !
Je n'ai pas aimé non plus ce film trop inspiré de Cocteau, et qui a étouffé un temps la personnalité de Melville... Ce n'est pas une création monoparentale mais un hybride raté entre une personnalité reconnue et son disciple, tant cette œuvre ressemble au mariage de la carpe et du lapin !
L'un a mis en image les phantasmes de l'autre avec beaucoup d'expérience (Melville avait déjà une vraie caméra en mains à l'âge de six ans) mais on ne reconnaît pas sa "patte" dans le scénario ni encore moins dans cette histoire stupide et morne !
Premier exemple : un lycéen reçoit une boule de neige dans le thorax qui le blesse gravement !
Nous prendrait-on pour des barges ?
D'autant que la neige ressemblait bien plus à de la farine ou à du plâtre qu'à de la vraie neige ! Ensuite, on veut nous faire passer pour des ados du lycée Condorcet, des hommes qui sont en culottes courtes !
Stupide !
Le héros mâle de cette pantalonnade (suite de mots volontaire) n'est autre que Édouard Dermit qui avait quand même 25 ans à l'époque ! Un étudiant retardé ? En réalité, il fut aussi le jardinier puis chauffeur de Cocteau et adopté par lui dans les dernières années de sa vie ainsi que son héritier... Sermit reconnut publiquement avoir été bisexuel et l'amant de Cocteau. Il céda même la demeure de celui-ci à Pierre Bergé en 2010 pour en faire la maison Jean Cocteau. Bref, ce casting ne cédait pas au hasard.
Tout comme l'actrice Nicole Stéphane, de son vrai Nicole de Rothschild, (fille du baron, ça aide) qui doit ce premier rôle à Melville et n'aura fait que cinq rôles dans sa carrière... Pour moi, elle joue faux, "gueule" sans arrêt et ressemble plus à un capitaine de dragons militaires qu'à une sœur attentive. Elle a autant de féminité qu'une femelle pitbull, genre de gentillesses que lui balance d'ailleurs sans cesse son frère dans le film... Plus il la dénigre, plus elle crie mais plus elle s'en rapproche et l'appelle "son chéri", au point de tout faire pour éviter qu'il ne tombe sous le charme d'une autre femme...
En plus, on doit supporter tout au long du film la narration monocorde de Cocteau franchement aussi pénible qu'inutile, tout comme quand on le voit comme acteur... Les effets spéciaux sont tout ce qu'il y a de plus mauvais et on eut mieux fait d'éluder ces scènes en wagons qui n'apportent à l'histoire qu'un peu plus de ridicule.
Mais on est en 1948, faut-il le rappeler, année où le public frustré sept ans était près à avaler n'importe quelle histoire : à la radio comme sur grand écran...
Cette non-aventure ne méritait pas ses 719 844 spectateurs et je crois à cette statistique car l'édition des billets de cinéma était très contrôlée... Regardé à l'aveugle, on peine à imaginer que ce récit puisse être mis en scène par quelqu'un qui allait devenir un grand réalisateur et oser des scènes parmi les plus coûteuses du cinéma français...
Heureusement, par la suite, Melville devait acquérir plus de maturité... Son ami Philippe Labro qui l'a quasiment vu mourir lors d'un repas au PLM Saint Jacques, est probablement celui qui le connaît encore le mieux !
TV5 Monde le 09.10.2023