J'ai un pris un pied terrible pendant ce film, il est tout bonnement jouissif! Je pense ne pas me tromper en disant que Lang a presque inventé le film d'espionnage. Il devait sûrement en exister avant mais là je veux dire toutes les bases sont posées. Le complot mondial, le méchant qui envoie ses sbires partout tout en restant cloîtré dans son QG, le héros qui en chie, des rebondissements à gogo et j'en passe, et j'en passe... Un film bourré de clichés donc? Meuuuh non, c'est un précurseur voyons. Après on me souffle dans l'oreillette que le docteur Mabuse tourné avant avait déjà cette base scénaristique ou presque... Oh et puis taisez-vous laissez-moi savourer. Je trouve que le film est un modèle de narration malgré son lot d'invraisemblances et autres fantaisies. Déjà c'est mis en scène par un génie autant le signaler d'entrée de jeu. Lang prouve qu'il ne faut pas forcément bouger la caméra dans tous les sens pour créer des scènes dynamiques et une action efficace. Des cadrages minutieux, un montage fluide et ça suffit. L'introduction du film qui regroupe des casses, vendettas et assassinats est d'ailleurs la parfaite illustration de cette maîtrise de l'action. Et que c'est bien photographié, que c'est joli, que c'est beau mes seigneurs. Le film pouvait dater de 1950 ça ne m'aurait pas choqué, le jeu des lumières est sublime, l'éclairage très convaincant. Visuellement c'est juste magnifique, puis Lang ose également des plans moins terre-à-terre, je pense à celle où le diplomate japonais (qui ne ressemble pas à un japonais mais passons) "voit" ses acolytes lui remettre les documents cruciaux dont il a la charge. Une scène de rêve terrible et efficace.
Le film laisse également naître une histoire d'amour, brusquement encore une fois, mais qui reste convaincante. L'interprétation est de qualité en plus, Willy Fritsch a une classe folle, autant en vagabond qu'en smoking. Le grand méchant a le bonheur de ne pas surjouer outrageusement et d'être vraiment inquiétant. Nous sommes loin d'un Béla Lugosi qui hurle "Pull the strings!" chez Ed Wood (exemple extrême je vous l'accorde). Globalement j'ai cru à cette histoire, j'ai trouvé ce film particulièrement dynamique et les rebondissements ne tombaient pas comme un cheveu sur la soupe. Les Espions est un film maîtrisé qui ne baisse pas vraiment de rythme. Au contraire celui-ci grimpe crescendo pour déboucher sur un final dantesque. Un très bon film dans sa globalité dont je pardonne volontiers les quelques maladresses vu la qualité du long-métrage dont les 2h20 défilent à une vitesse folle.