Si vous voulez voir 1h30 d’autofellation ce film est fait pour vous. Si vous voulez voire les tribulations d’un homme de trente ans encore en crise d’adolescence, c’est aussi pour vous. Le manque d’humilité de Nekfeu n’avait échappé à personne, mais ce film est une « œuvre » 100 % auto-promotionnelle limite propagandiste à en faire frissonner les directeurs de campagne d’En Marche. Le documentaire le plus péteux du millénaire et surtout le moins authentique.
Nekfeu ne vous emmène pas seulement dans ses périples de starlettes autour du monde, il vous emmène dans les tréfonds de son âme qui comme pour tout artiste, est torturée. Ce n’est pas de l’encre qui coule dans sa plume mais le sel de ses ruptures amoureuses et l’amertume qui hante son quotidien. Un vrai Gainsbourg celui-là. Pour lutter contre la morosité qui l’habite, rien de mieux qu’un documentaire de lui et ses potos entrain de créer un album qui aura le goût subtil de ses voyages internationaux.
D’abord en Grèce, chez sa mamie. Il déambule dans les rues, dis bonjour gaiement à des pêcheurs, en bon enfant du pays qu’il est. Puis il finit par joindre son pote Diabi en visio au milieu du port ou il a choppé un peu de Wifi. « Tout le monde m’appelle gros, il est ou Nekfeu sérieux ? » Comme il est désiré ! En plus il est parti sans prévenir personne, il a pris ses clics et ses clacs, son équipe de tournage et est allé se resourcer près de ses racines.
S’en suit une ballade en vespa, couché de soleil, musique traditionnelle grecque en fond sonore et tutti quanti. Il nous étale ses pensées profondes :
« …alors j’ai fait ce que je sais faire de mieux…fuir ! » Oh la la, qu’il est tiraillé, quel homme meurtri, quel écorché vif.
« C’est en exil que je parle le mieux de ma vie à Paris, à l’ombre de l’éloignement. » Ça veut rien dire, mais ça sonne pas mal.
« Le plus difficile dans la création d’une nouvelle œuvre, c’est le premier trait, celui qui vient troubler l’équilibre de la page blanche, celui qui en choisissant d’être, assassine une infinité d’autres réalités.» En voilà une belle façon de dire « Putain j’ai toujours du mal à démarrer, je suis tellement hésitant. »
Cette introspection sur deux roues finie, l’évidence se présente à lui, eh oui il est temps de retourner à Paris et sa grisaille pour travailler…
Toujours la grosse déprime. Ken traine son spleen et n’arrive pas à démarrer. Il tourne en rond dans son appart. Là, un petit geste qui paraît anodin mais qui en dit long sur ce bourreau des cœurs qu’est Nekfeu, il range sa chambre et envoie d’un petit coup de pied, une chaussure à talons sous le lit. Bon, qui est cette fille ? Où est-elle ? Est-elle rentrée chez elle avec un seul talon ? S’est-elle cachée dans un placard quand l’équipe de tournage est arrivée ? Nekfeu porte-il des talons hauts ? Bref Don Juan, nous garde quelques secrets, c’est un grand pudique devant l’éternel.
Là Nekfeu nous réexplique qu’il à besoin de voyager pour travailler, que « parfois il faut fuir la frénésie des grandes villes, pour se rendre compte à quel point on s’est habitué à cette folie quotidienne. » L’équipe embarque donc pour deux mois au japon dans la petite bourgade calme et paisible de Tokyo. Deux mois qui vont mêler travail intensif, sorties en villes et escapades introspectives. Il a toujours rêvé de ce pays, lui le fan de manga et de culture nippone.
Résultat d’heures interminables de visionnage de Kurozawa en VOST, le gars sait même sortir des phrases de plus de 10 mots en japonais pour demander son chemin et il comprend parfaitement ce que lui répondent les passants. Un vieux sage décide de l’accompagner jusqu’à un temple où il lui fera partager ses philosophies de vie…Magnifique plan large devant un feu de bois où les deux hommes discutaillent de la vie, de l’argent, de la nature, de ce monde de fous quoi. Le tout sans le moindre traducteur, trop fort ce Ken. Il est parfaitement japonophone. Bon par contre, quelques jours après il doit s’exprimer en anglais pour parler à ses amies japonaises. Faut pas abuser non plus, il va pas nous gratifier de sa culture pendant tout le film.
Le tour du monde continue à los Angeles, La Nouvelle Orléans, Bruxelles et de nouveau la Grèce…Chaque étape nous révélant une nouvelle collaboration de l’album et de nouveaux aspects de la personnalité de Nekfeu, pour enfin parvenir à la création finale de ce nouvel album. Le film se termine sur scène, comme il a commencé et Nekfeu semble s’être débarrassé de sa dépression.
Vous l’aurez compris, Nekfeu est un escroc. Les étoiles vagabondes est loin d’être le premier docu sur un chanteur ou même sur un rappeur, mais on avait jamais vu aucun artiste écrire avec si peu de gêne sa propre mythologie. Nekfeu est le producteur, le réalisateur, le narrateur et si je puis dire l’acteur de ce film. Car le plus déconcertant reste le manque de naturel de chacune des scènes. Tout est mis en scène, tout à l’air, si ce n’est écrit, prévu à l’avance. Rien ne paraît naturel et pour cause rien ne l’est. On ne capte l’instant que très rarement, lors des passages en studio. Il y a quand même parfois quelques mouvements de caméra saccadés, pour bien rappeler à tout le monde qu’on est face à un documentaire, tellement c’est dur à croire. Tout est fait pour nous montrer un portrait totalement édulcoré, une vision tellement superficielle de son monde. Les 15 premières minutes sont même drôles tant elles manquent de subtilité. La dernière heure et quart est tout simplement insupportable. Bourrée de la narration gavante de Nekfeu qui ne cesse de vouloir nous montrer son érudition et sa sensibilité.