Folles furent ces années. Folles d’exaltation, de fête et de débauche. Folles de tenir tête aux lois et aux institutions. Folles de voir des individus plonger dans l’illégalité et être sacrifiés sur l’autel de la Prohibition. Les « Roaring Twenties » sont devenues « Les Fantastiques années 20 » dans leur traduction française. Une époque riche et complexe, cicatrisant les meurtrissures de la Première Guerre Mondiale, et précédant la terrible crise de 1929. Ce film vient raconter l’histoire de ceux qui vécurent cette époque de tensions sociales et économiques d’une violence inouïe.


La Première Guerre Mondiale fut une guerre d’usure, un conflit atroce et injuste qui détruisit des millions de vies, sur le front, mais aussi par la suite. Les trois soldats qui nous sont présentés au début du film montrent trois personnalités différentes : le jeune homme timide et craintif, l’enthousiaste qui a hâte de retourner chez lui et vivre le grand amour, et l’endurci désabusé et cynique. Cette guerre, aucun d’entre eux ne l’a choisie, mais elle aura sur chacun des effets différents, et c’est à travers le destin de ces trois personnages que va se dévoiler la face cachée et sombre d’une décennie visiblement enjouée et décomplexée, mais hantée par le spectre de la Prohibition.


Eddie Bartlett (James Cagney), le personnage principal, est probablement le personnage le plus emblématique des conséquences d’une guerre vécue dans le mépris et l’indifférence générale, et l’institution d’une législation drastique et inquisitrice visant à interdire la commercialisation de l’alcool. Semblable au personnage de James Allen campé par Paul Muni dans Je suis un évadé (1932), Eddie est rejeté par la société, qui ne lui offre aucune reconnaissance, et c’est malgré lui qu’il se retrouve impliqué dans des trafics jugés illicites. A travers ses démarches et son évolution dans le secteur, c’est tout un marché obscur et illégal qui se construit, mené en sourdine dans des speakeasy, où l’on peut trouver certains agents de police corrompus qui n’hésitent pas à en profiter eux non plus. Comme dans une sombre ironie, c’est la loi qui pousse les intègres vers l’illégalité.


Les Fantastiques Années 20 montre le côté à la fois impitoyable et absurde d’un monde où la tentation est omniprésente, un monde sans pitié où ni la pègre, ni la police et les instances judiciaires ne peuvent nous mettre en sécurité. Cette époque, que l’on imagine tous festive et heureuse, se montre ici comme une époque de restrictions et de dangers, où la population a rarement été autant contrôlée, et où la guerre, auparavant menée à coups de fusil dans les tranchées, se déroule désormais à coups de pistolets dans les arrière-boutiques. Même la personne la plus intègre et la plus honnête doit succomber à la pression et au rejet de la société, à l’image d’Eddie, devenu un grand trafiquant d’alcool, mais qui ne boit toujours que du lait, comme dans un déni de sa propre situation, et une volonté de continuer à montrer une preuve de son intégrité.


Drame social, superbe film de gangsters, Les Fantastiques Années 20 raconte la fin d’une guerre grotesque et destructrice, et ses conséquences néfastes sur la société dans la décennie qui suivit. Raconté à la fois sous la forme d’un film, il intègre des éléments documentaires, lui permettant certes de développer son aspect romancé, mais de faire surtout de lui un témoignage le plus authentique et réaliste possible. Il est également porté par un superbe casting, avec un Humphrey Bogart que le public commence à découvrir, et surtout un James Cagney éblouissant, charismatique, sensible et impétueux, faisant définitivement de lui un de mes acteurs favoris, et à mes yeux un des plus grands acteurs de l’époque et de l’histoire. Les Fantastiques Années 20 est un modèle du genre, un film prenant, certes ancré dans son époque, mais trouvant toujours une résonance dans notre époque.

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le 11 nov. 2017

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