Cette série B oubliable demeure le prototype même d'une époque, et c'est là son intérêt, et pas des moindres finalement. Une époque ou n'allait pas voir un Lautner, un Hunebelle ou un Girault mais un Gabin, un Marais, un Ventura... Ce qui était donc valable pour les séries A l'était donc autant, si ce n'est plus, pour les séries B. On n'allait pas non plus apprécier un Raoul André mais un Eddie Constantine. Ici, c'est un Constantine mineur et pourtant, c'est mon préféré. Il se montre ici fatigué, plus empâté que d'habitude, ses bourres-pifs sont moins vigoureux, les bagarres sont d'ailleurs réglées par Henri Cogan, futur fidèle de Monsieur Lautner et ancien catcheur ayant brisé la carrière sportive de Ventura, à l'occasion d'un combat qui nous fit gagner, avec bonheur, l'un de nos comédiens les plus importants...
Même si la photographie ne fait qu'innonder le plateau de lumière, que le découpage est académique, que l'intrigue n'est pas l'atout principal, que l'humour comme l'action sont en pilote automatique, que le jeu général n'est pas des plus pointus, le contrat demeure pourtant dûment remplit. C'est un bon divertissement qui se regarde sans déplaisir. Si l'amusement n'est pas feint, que l'on ne s'ennuie pas, c'est que le producteur, le scénariste et le réalisateur ont fait du bel ouvrage et qu'ils méritent, à défaut peut-être de toute notre attention, au moins de notre respect le plus dévolu. D'ailleurs, à y regarder de plus près, on peut aisément se rendre compte de la force de frappe de la mise en scène par les détails disséminés ci et là. Si elle n'est pas formelle, elle trouve sa justesse et son élégance ailleurs. Je pense par exemple au décor de l'appartement de Constantine, avec une photo de lui en kimono. Raoul André ne fera jamais de gros plan dessus mais elle est là, on la distingue et c'est amusant car ce n'est pas souligné. Hazanavicius et Halain s'en souviendront plus tard pour leur relecture de OSS 117.
Pourquoi le titre "Les femmes d'abord" ? Parce que l'un personnage le dit à un moment, quand il en fait monter dans sa voiture. Les titres des autres Constantine auraient pu faire l'affaire. Ça va barder, Cet homme est dangereux etc... Tous les titres, les intrigues et donc les films sont interchangeables... Tout cela fait parti d'un univers, fort plaisant, distrayant, avec pour point d'accroche le légendaire Constantine, avec ses petites vannes. Quand un vilain lui dit qu'il n'aurait pas du venir, Constantine lui rétorque que son horoscope lui a indiqué le contraire ET BIM ! La mandale est partie. On arrive là vers la fin de son personnage, d'un certain type de cinéma à la papa, qui bat encore ici son plein. Ce n'est pas le chant du cygne de Constantine, nous sommes ici après. En haut de la pente descendante, encore dans le haut de gamme du bas de gamme de cet univers qui ne se renouvellera jamais, qui disparaitra pour toujours, un cinéma symbole et témoin d'un divertissement typique de son époque.
On se plait à revoir des figures que l'on aime. Au premier rang desquels nous croisons Dario Moreno, qui faisait déjà les belles heures des seconds rôles séduisants de l'un des films les plus importants de Constantine : La Môme vert de gris. Moreno est ici impayable et nous ravit de sa bonne humeur communicative. Minazzoli est resplendissante et Bernadette Lafont vient faire ici ses premiers pas, nous régalant de son joli minois et de sa plastique avantageuse. La suite de sa carrière rendra heureusement hommage à ses talents de comédienne, ce qui n'est pas le cas ici. On retiendra également le principe du road movie, assez inédit dans les films de Constantine, pas assez bien exploité ici mais assez curieux pour piquer notre attention. L'ambiance est irrésistible, à condition d'apprécier ce long-métrage comme un apéro, d'un regard distant, notamment en ce qui concerne le traitement des femmes. Les petites tapes sur le cul sont légion, les vannes qui les accompagnent aussi. On se rappelle d'une reflexion d'Eddie adressée à une petite pépée allongée pour se boucaner la peau : "Si c'est pour moi, pas trop cuit s'il vous plaît". Mais qu'il est con ce Constantine !