Dans toutes les civilisations la condition féminine a posé problème, les abus étant à tous niveaux, que ça soit sexuels ou à base de brimades, ou encore d'un manque voire une totale absence de droits, et évidemment de lois les protégeant. C'est dans cette dernière direction que le film va, puisqu'il relate l'histoire vraie d'une affaire traitant de la rencontre de trois femmes ayant été en justice, ce qui aura mené au vote d'une loi les protégeant enfin en cas d'abus sexuel. Pourquoi aucune n'avait été votée plus tôt ? La raison est simple et identique à celle de notre société occidentale. Une complaisance de la part des familles qui craignent pour leur image, voire celle de leur pays, ainsi qu'une honte ou même un sentiment de culpabilité ressenti par les victimes.
Evidemment le phénomène ne se limite pas à une classe, et c'est aussi le but de ce triptyque, nous montrer trois strates différentes rongées par un même mal, et dont chacune des intervenantes va tenter de réagir de la façon qui lui semble la plus appropriée. L'aisée socialement organise un groupe de discussion, celle de classe moyenne tente de se battre dans un monde d'hommes où personne ne l'écoute, et enfin la dernière, dans la condition la plus précaire, n'a pas d'autre choix que de se défendre physiquement, se vengeant à coups de poignard des hommes qui la côtoient tous les jours dans le bus et profitent constamment de l'affluence pour se frotter à elle.

Le sujet est poignant tout en n'étant pas vraiment nouveau, l'occident étant passé par la même étape, et bien qu'il y ait des lois, reste stagnant quant aux plaintes. L'épilogue de la bobine nous le dit, et ça ne surprend pas, même si la loi contre le harcèlement sexuel a été votée, les plaintes restent peu nombreuses, pour les raisons évoquées plus haut; qu'elles soient inscrites dans le code civil ne change pas immédiatement les choses, elles les améliorent, le plus gros du travail devant être fait par une société qui se doit d'ouvrir les yeux et changer de regard sur un sujet qui reste tabou.
Un constat dur, mais toujours mis en image avec une certaine pudeur, usant de mots pour interpeller plutôt que de violence facile (oubliez Irréversible), l'oeuvre se voulant pédagogique, destinée à un public large, et non un pamphlet glissant vers le voyeurisme. Autre point important, si les femmes sont physiquement — et mentalement — victimes des hommes, elles sont surtout victimes des Hommes avec un H majuscule. Le fond du problème reste, comme il l'a déjà été dit, un problème de société, qui se doit d'évoluer dans les relations humaines, et cela dans les deux sens. Un élément sera d'ailleurs là pour en convaincre le spectateur, lorsqu'une des protagonistes accablera son mari à propos de leur condition précaire, lui lançant un « c'est toi l'homme, c'est à toi d'arranger les choses ». Un état d'esprit qui, à ce niveau là, reste très souvent le même, peu importe que cela se passe en Egypte ou en Occident.
Les Femmes du Bus 678, en plus d'une interprétation servie par trois actrices sublimes (Boshra, Nelly Karim et Nahed El Sebaï), de même que des acteurs tout aussi talentueux, est mû par une narration intelligente, captivante de bout en bout, et, bien qu'elle veuille nous montrer une dure réalité en Egypte, nous renvoie à notre propre société, nous pousse à réfléchir longuement, et même à nous remettre en question, et si cela n'en fait pas un chef d'oeuvre, alors quelle pellicule pourrait bien l'être ? A voir si l'on aime le cinéma, à voir si l'on aime la femme, à voir si l'on aime la vie, et surtout son prochain.
SlashersHouse
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le 28 mai 2012

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