Cette critique s'adresse surtout aux fans de ce genre de films qui firent la gloire d'un certain cinéma français populaire de qualité, aux fans nostalgiques et romantiques des Angélique et des films de Jean Marais ; si vous êtes plus tournés vers Godard ou les films de la Nouvelle Vague, ne lisez pas cette critique.
En effet, le film de cape & d'épée tombé aujourd'hui en désuétude, fit les beaux jours d'un cinéma français qui ne se prenait pas au sérieux, un cinéma de distraction, mais qui nécessitait quand même de l'attention et une trame solide. Dans cette décennie 60, ce genre fut prolifique, on avait la chance d'avoir un auteur comme Alexandre Dumas, et après la version américaine de 1948 avec Gene Kelly en D'Artagnan, qui reste pour beaucoup une référence justifiée car elle est extraordinaire, puis celle de 1953, française, avec Georges Marchal, qui reste un peu frileuse, il fallait une autre version française grandiose, non seulement pour montrer à Hollywood que les Français sont dignes du roman d'Alexandre Dumas, après tout c'est notre patrimoine, mais aussi pour enfin inscrire dans les annales des mousquetaires, qu'une adaptation de grande qualité se pose là. Et ce fut le cas avec cette version réalisée par Bernard Borderie qui aime les films de cape & d'épée à trame historique (il réalisera ensuite la série des Angélique).
C'est en effet, la meilleure version réalisée par des Français, avec une petite participation italienne en co-production, ce qui amène un peu plus de moyens, mais le casting est entièrement français et le tournage a eu lieu intégralement en France.
Une version très soignée par ses décors, ses costumes et surtout ses décors naturels de beaux châteaux et villages adéquats comme l'abbaye de Fontenay en Bourgogne, ou le village médiéval de Pérouges près de Lyon, le château de Guermantes près de Paris, ainsi que la forêt de Fontainebleau. L'adaptation n'est pas toujours fidèle au roman, mais qu'importe, c'est réalisé de telle façon qu'on le croit ; Borderie a effectivement laissé plus de place à l'action et notamment les duels à l'épée qui sont très nombreux, avec souvent des scènes cocasses et de l'humour. Tout ceci arrive à remplir assez vite un métrage car il faut aussi suivre l'intrigue de base, c'est pourquoi il fut décidé de distribuer le film en 2 parties : les Ferrets de la reine et la Vengeance de Milady pour ne pas imposer au public une projection de plus de 3 heures.
D'où aussi un rythme plus échevelé dans cette première partie, avec des bagarres et des agapes drôlatiques entre mousquetaires, des soupirs entre amoureux transis, des duels parfois comiques, des casses de meubles en résine sur la tête des stupides gardes du cardinal, des sauts depuis les fenêtres et autres cabrioles... tout ceci est enthousiasmant et séduisant, c'est ce qui fait une partie de l'intérêt de cette version, son dynamisme.
L'autre intérêt, en plus de son très grand soin et de son respect de certains moments clé (notamment la rencontre entre D'Artagnan et Aramis, Athos, Porthos), c'est son exceptionnelle interprétation. Gérard Barray est parfois trop enjoué, mais pour un Gascon c'est pas plus mal d'avoir une telle pêche, il campe un bon D'Artagnan, bien secondé par un excellent Georges Descrières en Athos, Jacques Toja en Aramis et Bernard Woringer en truculent Porthos. Le reste du casting est superbe : Mylène Demongeot en blonde et perfide Milady, Daniel Sorano qui s'est fait une tête prodigieuse de Richelieu, Françoise Christophe et Guy Tréjean en noble couple royal, Henri Nassiet en Tréville bourru mais bonne pâte, Perrette Pradier est une mignonne Constance, tandis que Jean Carmet incarne un Planchet cocasse. Le meilleur pour la fin, c'est son extraordinaire méchant en la personne de Guy Delorme au physique ingrat qui porte la fourberie sur son visage et qui excelle dans ce type de rôle en campant un Rochefort détestable, et par ailleurs très bon escrimeur. On se souvient de ses duels avec Jean Marais dans le Capitan.
Voila donc du cinéma français frais et léger, drôle et distrayant, bien soutenu par l'excellente musique aux cuivres ronflants de Paul Misraki, du cinéma français sans prétention comme on savait en faire à cette époque.