Le film de cape et d'épée, totalement ringardisé aujourd'hui, a eu son heure de gloire à l'époque où les grands feuilletonistes du XIXe siècle conservaient encore un public juvénile appréciable après que cent ans se fussent écoulés. Jean-Paul Sartre lui-même ( pas vraiment un parangon de futilité intellectuelle) ne racontait-il pas le plaisir qu'il avait eu à suivre la série des "Pardaillan" ?
Ajoutons à cela que les années 1945-1965, où ce genre a fleuri, vivaient l'euphorie à la fois d'une ère de paix retrouvée, de reconstruction et de forte croissance. L'insouciance, la bonne humeur en quelque sorte innocente à l'idée d'un futur enviable à construire, la quantité d'enfants et d'adolescents issus du baby-boom, tout cela contribuait à conférer au public de ces films un regard naïf, joyeux et primaire sur la production cinématographique.
"Les Trois Mousquetaires" de Bernard Borderie doivent être compris comme un produit de cet état d'esprit. L'amusement, les scènes d'action, l'humour, l'optimisme juvénile conservaient toute sa jeunesse au roman du grand Dumas. Les bons et les méchants étaient ce qu'ils étaient sans complexité, sans profondeur, sans questionnement. Les bagarres dans les auberges, où les meubles se brisent sur la tête des gardes du Cardinal, les chevauchées endiablées, les poursuites, les séductions perverses de Milady, les duels à la rapière, l'Aventure en somme, la vraie, celle qui enthousiasme et qui ne vous empoisonne pas la conscience en vous renvoyant continuellement aux grands problèmes sociaux du moment.
L'intérêt de cette version est d'avoir soigné la distribution; on a recouru fréquemment à des Comédiens de la Comédie-Française, et non des moindres. (Daniel Sorano, Jacques Toja, Georges Descrières, Bernard Woringer...). Le visage méphistophélique de Guy Delorme, "méchant" idéal dans le rôle du comte de Rochefort, fait naître d'emblée la méfiance. Le dynamisme joueur et communicatif de Gérard Barray (D'Artagnan) a marqué toute une génération. Et la blonde beauté de Mylène Demongeot laisse un souvenir impérissable. La musique de Paul Misraki est un délice de vivacité et de jubilation.
Si vous êtes fans de "Télérama" et des "Cahiers du Cinéma", zappez ce film et reportez-vous sur d'autres productions plus propres à stimuler votre transit intestinal, si cruellement paresseux.