Un anti-charlot , parlant et philosophe
Ce film, je l'avais vu il y a longtemps (j'étais jeune, alors...), et je ne l'avais pas aimé. Pour moi, fan inconditionnel de Charlot, c'était inadmissible de voir un Chaplin qui ne soit pas drôle. Mais en le revoyant maintenant,je crois que j'ai mieux compris le film : Chaplin n'avait plus besoin de faire un film drôle, il en avait fait tellement. Il voulait faire un film qui traite de ses angoisses et de ses déceptions (par rapport à la gloire, au fait d'être drôle ou pas), tout en étant une ode à la vie et à l'art.
Il abandonne donc le personnage de Charlot, même si ce dernier tente parfois de revenir et de s'imposer... Mais non, ce n'est pas possible, le film est parlant, Charlot n'a rien à faire là, et pourtant tout le film semble tourner autour de lui...
Le film raconte l'histoire de Calvero, grand comique et chanteur de music hall sur le retour qui, après sa gloire passée, peine désormais pour se faire engager. Il sauve du suicide une jeune danseuse persuadée de ne jamais pouvoir redanser à cause d'une maladie. Il tente de la soigner, et surtout de lui redonner courage et espoir, jusqu'à ce qu'elle remonte sur les planches.
On peut voir le film comme un hommage au personnage de Charlot : Calvero (interprété par Chaplin), même s'il n'a pas la même démarche, et bien qu'il parle, est « tramp comedian » (comédien clochard), habillé de guenilles. Il est maintenant vieux, sa gloire est passée, et il sombre chaque jour un peu plus dans l'alcool, persuadé qu'il ne peut plus faire rire sans alcool. Malgré cela, il garde une féroce envie de vivre, qu'il va réussir à transmettre à Theresa. Tous deux vont s'épauler et s'aider à sortir de leurs difficultés. Calvero, avec sa philosophie et son goût pour la vie, aide Theresa à ne pas sombrer dans la mélancolie, elle qui ne peut plus marcher à cause d'une « psycho-anesthésie » (en gros, elle est paralysée par auto-suggestion). Mais c'est finalement quand il sombre dans le désespoir à son tour qu'il l'aide (involontairement) le plus, en la poussant à jouer le rôle qu'il avait lui-même joué : c'est alors qu'elle remarche miraculeusement.
On retrouve les grands thèmes de prédilection de Chaplin : la quête du bonheur, l'amour impossible, les (changements de) classes sociales, la solitude et la souffrance, mais aussi l'espoir, et le dépassement de soi pour les autres.
Bien que ce ne soit pas un film comique, c'est malgré tout un grand Chaplin, et peut-être qu'avec l'âge, je l'apprécierai encore plus dans quelques années.