Comment définir et comprendre le terme de “désir” aujourd’hui ? Dans ce documentaire portant sur trois spectacles érotiques d’une troupe de théâtre composée de six actrices, Arthur Vernon et Denys Maury souhaitent désacraliser la sexualité, mettant la Femme en scène pour mieux lui faire honneur.

Ici réside la grande surprise du film : attirés par une affiche aguicheuse, nous nous retrouvons face à une apologie du désir féminin. Le documentaire expose son allergie aux tabous, sans prétention aucune mais avec le sourire, animé par l'envie de se faire entendre, de susciter le débat autant que la curiosité.

La frontière qui pourrait s’élever entre le spectateur et les comédiennes est d'ailleurs abolie dès les premières secondes du long-métrage : avant de connaître leurs pensées, nous découvrons intégralement leur corps, offerts au cadre comme à la scène. Revendiquant des artifices de télé-réalité, le film les investit avec générosité et drôlerie.

La liberté formelle du documentaire fait ainsi écho à celle dont se réclament ses muses. Les interventions d’Arthur Vernon semblent du coup trop régulières, même si ce dernier finit par étendre ses réflexions aux rapports humains en général. Tour à tour stimulant et didactique, le film est tenu par un rythme sans temps mort.

Mais de respirations, “Les filles d’Éve et du serpent” en manque peut-être. Là se niche néanmoins son charme, sa forme vive et imprévisible explorant son sujet sans se départir d'une bonne humeur jamais feinte. A l'instar, on l'imagine, de la pièce “Rêveries d’une jeune fille amoureuse”, principal objet du documentaire, bien que le terme « amoureuse » puisse se retrouver en porte-à-faux avec certaines idées d’Arthur Vernon.

Une fin inattendue vient cependant rappeler ses objectifs : ouvrir à d'autres modes de pensées, et non annihiler ceux déjà admis. En parlant si singulièrement de nos rapports à la sexualité, Arthur Vernon et Denys Maury abordent aussi les liens affectifs, certes différents de ceux que nous pensons tous connaître, mais qu'ils veulent rendre dignes de considération.

Malheureusement, à trop souligner l’envie d’une sexualité nouvelle, repensée, “Les Filles d’Eve et du serpent” peut apparaître assez convenu. Quitte à donner la parole à des intervenants, on regrette l’absence d’adversaires à leurs idées. Toutes proportions gardées, on songe au documentaire “Not Quite Hollywood” de Mark Hartley, dont la forme hyperactive offrait pourtant divers point de vue sur son sujet.

Pensé par et pour son rythme, “Les Filles d’Eve et du serpent” passe très vite, sautant d'une discussion à bâtons rompus à une voix-off amusée, d'une dispute violente à des intervenants face caméra. Un parti-pris surprenant, efficace, mais était-ce le meilleur moyen de traiter pareil sujet ? Refusant à tout prix de prendre la pose, le film en étouffe parfois son potentiel.

Mais les raisons de cette approche, ce sont les auteurs qui en parlent le mieux dans l'entretien qu'il ont bien voulu nous accorder :

http://lc.cx/DXX

Même si on se dit que le film a davantage sa place sur petit écran, son enthousiasme est assez contagieux pour donner envie d'aller découvrir “Rêveries d'une jeune fille amoureuse” sur les planches.

Forrest & Fritz_The_Cat

Lien vers le co-auteur : http://www.senscritique.com/film/Les_Filles_d_Eve_et_du_Serpent/critique/40707409
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le 29 oct. 2014

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