Julien Gracq disait avec une certaine justesse que « Tout livre pousse sur d’autres livres« . Et si ce recyclage permanent fonctionnait aussi pour le cinéma, si l’écriture n’était que réécriture et que jamais pellicule ni parchemin n’étaient vierges et que tout serait palimpseste. La réalisatrice remarquée de Lady Bird l’a bien compris et l’assume pleinement puisque Greta Gerwing se risque à une nouvelle adaptation du classique de Louisa May Alcott, narrant l’histoire quotidienne de quatre filles de classe moyenne dans le Massachussetts durant la Guerre de Sécession.
Au nombre de quatre, les sœurs dont la raisonnable Margaret (surnommée Meg), la charitable Élisabeth (Beth), l’orgueilleuse Amy et l’intrépide Joséphine (Jo) qui serait l’alter ego de l’autrice s’affichent à l’écran. Pour raconter leur quotidien et leurs difficultés, Greta Gerwing opte pour une narration en différentes strates temporelles qui manque à plusieurs reprises de subtilités mais évite un temps soit peu d’ennuyer le spectateur. Malgré un casting en or dans ce monde où les hommes reçoivent des bagues, où leur fragilité les fait s’asseoir avec tendresse dans leurs escaliers, où jamais un mot n’est dit au-dessus d’un autre, dans ce monde merveilleux où l’homme et la femme seraient comme encre et papier, ce récit classique manque étonnamment d’émotions, de chair et d’inventivité notamment quand le film se veut coller trop à son époque contemporaine, surlignant à coup de dialogues démonstratifs le brûlot féministe qu’est le livre original. Quel dommage car le film pose de véritables questions toujours d’actualité sur les droits des auteurs, la liberté et l’indépendance des femmes, la place que les hommes doivent leur offrir, la création artistique, la fraternité et bien d’autres encore…
Le casting merveilleux, la puissance de l’histoire, le talent d’une réalisatrice disparut le temps d’un film, le budget colossal inscrit dans chaque costumes et décors ne furent malheureusement pas suffisant à rendre cette nouvelle adaptation indispensable. Dommage car pour les raisons sus-citées, ce film dynamique ne parvient pas à faire preuve de créativité cinématographique.