Leger tremblement du paysage
Le film se situe en 2027, mais à voir ce qu'il se passe en Grèce, dans le sud de l'Italie, du fin fond du Mexique jusqu'à la frontière de l'Arizona en passant par le moyen orient, ne nous voilons pas la face, 2027 c'est aujourd'hui.
Avec Soleil Vert de Richard Fleischer, Children Of Men est l'un de ces films d'anticipation dont l'existence nous fait mal au bide. Le monde va mal, certes, mais n'avons encore rien vu. ça rigole pas vraiment dans ce film où l'humanité est devenue stérile, où les pandémies mortelles sont devenues la norme et qui offre comme choix de vie de vivre en zone irradiée ou en zone massivement polluée. "The world is collapsed" et pour garder la situation en main, les gouvernements font la chasse aux étrangers illégaux et inondent le reste de la population d'images propagandistes fortement nationalistes (on nage donc en pleine science fiction!). Et dans ces conditions la seule chose qui peut encore arriver c'est l'apparition d'un espoir. Bureaucrate apathique revenu des ses années de militance anti système, Théo Faron se retrouve face à cet espoir. Une réfugiée clandestine enceinte.
Slavoj Žižek, philosophe slovene, proche d'Alain Badiou, explique que le cinéma d'Alfonso Cuaron est une lutte du second plan face au premier plan. Suites de plans séquences techniquement impressionnants, Les fils de l'homme donne au second plan autant de force voire plus qu'au premier plan. Bousculant les stars Clive Owen/Julianne Moore, les figurants ont leur mot a dire et ils ne s'en gênent pas. A charge aux têtes d'affiche de s'accommoder à cette situation. La chose est réussie et rend encore plus explicite le propos du film. Dans les pires moments de l'Histoire il y a toujours de l'espoir, mais cet espoir peut naitre d'un évenement -Badiou, sort de ce corps!- (la fertilité/le tournage) mais cela ne suffit pas a changer les choses, à changer la situation il faut lutter pour qu'il puisse donner quelque chose (un film, un enfant), il faut le proteger. L'aspect semi documentaire du film et l'aspect lo-fi de l'univers des fils de l'homme renvoie évidement un reflet violent du monde d'aujourd'hui. Les choix politiques d'Alfonso Cuaron sont clairs et il n'est pas étonnant de retrouver Zizek et Naomi Klein dans l'autre reflet du miroir qu'est Possibility Of Hope (documentaire d'Alfonso Cuaron - présent sur le Dvd- qui partant d'un même constat que le film, convoque philosophes, universitaires et journalistes pour montrer que l'espoir est entre nos mains. ) mais c'est aussi un film sur la difficulté de faire du cinéma, le combat du tournage. C'est un film de combat aux multiples facettes. Une oeuvre qui terrasse le spectateur et qui le fait réfléchir sur sa place en tant que spectateur face au cinéma et face au monde actuel. Si Jarvis Cocker conclu, au générique que les cons dirigeront toujours le monde, nous avons tous les éléments en main pour être convaincu du contraire.