Contrairement à Bienvenue à Gattaca, Les fils de l’homme statue sur une société non plus déterministe par rapport à ses naissances, mais stérile et en proie à une extinction inéluctable. Esthétiquement, le film abandonne lui aussi l’idée d’une postérité trop électronique, revenant au contraire à un monde archaïque s’anéantissant à force de dénégation environnementale, sociale et politique. D’un réalisme rugueux et onirique, magnifié par la photographie d’Emmanuel Lubezki, le chef-d’œuvre de Cuarón impressionne constamment et bouleverse jusqu’à l’asphyxie. Les fils de l’homme est si dense, si profond stylistiquement, que plusieurs visions sont requises pour y déceler toutes ses richesses, toutes ses variations et toute sa complexité.

Quasi christique (métaphore générale sur la Nativité, la scène dans l’étable…), le scénario entraîne le spectateur dans un incroyable périple à travers une Angleterre anéantie par une guerre civile, rongée par une répression d’État (politique d’immigration zéro pareille à une actualité récente dans divers pays, Italie ou Russie par exemple) et où la survie de l’humanité se retrouverait instituée par deux êtres que tout oppose, mais guidés par un même instinct et une même croyance. Leur odyssée se fait par étapes, par épreuves, par découvertes, au coeur d’une tourmente post-fin du monde qui les mènera jusqu’aux entrailles d’un camp de réfugiés en transit, tristement semblable à ceux que l’on peut découvrir au fil des événements qui secouent notre histoire (Darfour, Katrina, Rwanda, Sangatte…).

Brutal et concret dans le fond par ce qu’il montre, suggère et dénonce, le film l’est plus encore dans sa forme, Cuarón privilégiant une instantanéité d’action/réaction par rapport au vécu immédiat des protagonistes. C’est pourquoi le plan-séquence (en plus d’une caméra portée instinctive et rythmique) s’adapte parfaitement à ce chaos foudroyant au milieu duquel les personnages n’ont ni le temps de s’adapter ni de contrôler quoi que ce soit. Pas moins de cinq plans-séquences embrasent ainsi le film en continu : celui en ouverture, celui dans la voiture (sidérant), l’échappée de la ferme, l’accouchement (d’une rare intensité) et la guérilla urbaine finale renvoyant l’introduction du Soldat Ryan à une molle suffisance. Étrangement ignoré par la presse (et le public) lors de sa sortie en salles, Les fils de l’homme a aujourd’hui acquis une reconnaissance méritée et unanime, le plaçant désormais parmi les meilleures et les plus surprenantes œuvres d’anticipation réaliste sur la dérive apocalyptique de notre planète.
mymp
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le 27 déc. 2012

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