Peu de gens avaient été voir "Les Fils de l'Homme" en salle, malgré des critiques excellentes, sans doute parce que, loin des stéréotypes de la S.F. / spectacle hollywoodienne, le film de Cuarón nous confrontait brutalement avec, sinon notre présent, tout au moins avec le futur quasi certain que notre inconscience nous prépare : la pollution que chie le système, l'égoïsme terminal des nantis, le rejet brutal de la misère à notre porte, le terrorisme bas du front des damnés, rien de ce que montre le film ne nous est étranger. Voici ce que, secoué, j'écrivais l'année dernière à la sortie de la salle : "Ce film est un véritable choc émotionnel, d'autant plus inattendu qu'Alfonso Cuarón n'avait jamais auparavant paru être autre chose qu'un habile technicien, et que l'adaptation d'un roman de la sage romancière P. D. James n'avait rien pour nous exciter a priori. Il se trouve que les choix politiques et esthétiques des "Fils de l'Homme", d'une parfaite cohérence, et ne souffrant aucun compromis (comme c'est habituellement le cas pour une grosse production de ce type), l'emmènent vers un cinéma à la fois militant (la vision d'un futur où les immigrants illégaux sont traqués et jetés dans des camps touche particulièrement juste en ces temps de politique sarkozienne) et quasi-documentaire (nombre de scènes de "guerre", filmées, sans pathos aucun, et en magnifiques plans-séquences, font résonner en nous les souvenirs de nombre de conflits inter-ethniques ou religieux actuels). Et comme Clive Owen y trouve ce qui est sans doute son meilleur rôle à ce jour, force est d'applaudir des deux mains."