Children of Men est un sombre tableau. Il dépeint un monde condamné, un monde déjà mort et pourtant toujours en train de mourir, chaque jour un peu plus. Une longue agonie, une lente hémorragie qui se traduit par toujours plus de morts... mais sans jamais de nouvelles naissances pour cicatriser la plaie.
Ce monde n'a plus de raison d'être, il n'a plus d'existence propre puisqu'il n'a plus d'avenir, plus d'objectif à atteindre. Il est dit que le but génétique d'une espèce est de se perpétuer encore et encore pour en assurer la survie, c'est donc par extension le but du monde entier : vivre. Condamné à la mort, ce monde est en pleine destruction.

C'est la destruction de notre planète par l'espèce humaine, seule espèce touchée par le phénomène. C'est la fin de l'espoir pour les hommes, et c'est pour cela que tous les systèmes humains s’effondrent les uns après les autres. Les systèmes deviennent vains et futiles, et toute l'organisation mondiale perd son sens. L'espèce humaine perd sa civilisation et retourne peu à peu vers une nature barbare, animale... mais avec les moyens techniques de faire beaucoup de dégâts.

L'Angleterre est le pays qui arrive le mieux à maintenir son système, à survivre comme si le monde n'était pas ce qu'il est. Seul pays où il fait bon vivre, il est donc envahit par le reste de la population mondiale souhaitant retrouver l'once d'un espoir de survie. Mais comment accueillir tant de monde dans un si petit pays ? C'est impossible, et l’Angleterre bloque alors ses frontières aux immigrants et construit des clans pour les clandestins, vivants alors dans une horreur indéfinissable. Est-ce réellement immoral ? Oui, ça l'est. Mais aurait-il été possible de rassembler tout le monde et de maintenir cette structure qui semble être la seule à tenir debout ? Non. L'Angleterre devient donc la victime de sa propre survie, de son propre système qui brille alors par sa futilité.

Mais il n'y a pas de gentils, pas de méchants, le seul ennemi ici c'est la rage de survie des différents partis de ce monde. Tous ne veulent que la survie. Du côté du pays, c'est la survie du système que l'on défend. Du côté des réfugiés, c'est la survie individuelle pour laquelle l'on se bat. L'Homme s'avilit et pour défendre sa cause emploie des méthodes de plus en plus dénuées d'humanité et profondément nihilistes.
Et dans ce monde en pleine désintégration, on peut observer par-ci par là des animaux, les témoins de ce massacre dont ils sont eux aussi les victimes.

Quand je regarde Children of Men, je voyage en plein apocalypse. Aux côtés de Théo, je parcoure un monde horrifiant, mon sang se glace quand je découvre que mon voyage devient de plus en plus malsain. J'ai une vision de la fin du monde, plus vraie que nature. Dès le début du film, le ton est donné. Un incipit brutal et brusque, d'une inévitable cruauté. Et le ton n'en finira pas de s'aggraver.

Je suis constamment aux côtés de Théo, j'avance avec lui... et finalement je suis lui. La réalisation au plus proche de notre héros rend l'identification évidente. Je partage ses sentiments, je partage son effroi, je partage sa terreur. Je me surprends même à m'émerveiller devant de petits riens. Dans cette incroyable scène de la voiture, je parcoure tout un panel d'émotion, passant du rire à la peur. Je me pétrifie, je suis horrifié, je suis dépassé par les événements. Je me sens plus que jamais un personnage de cette aventure.
C'est l'incroyable réalisation d'Alfonso Cuaron qui permet cela. Difficile de ne pas le qualifier de génie de la mise en scène quand on voit ces plans. Non mais, ces plans quoi !! Bordel. Des plans-séquences approchant les dix minutes demandant une orchestration phénoménale. Tout est millimétré, tout est calculé pour que ça réussisse et la moindre erreur ruinerait l'intégralité de la scène. Mais tout est parfait. Toujours. Je prends une claque dantesque et jouis de cette réalisation exceptionnelle. Tourner dans de vraies villes, dans des décors naturels, il n'y a rien de mieux pour rendre un film crédible. C'est plus compliqué, mais ça en vaut la peine.
Ces plans-séquences ne sont pas là que pour mettre une claque visuelle au spectateur, ils renforcent d'autant plus l'aspect réaliste du film. Dans les films, les coupures permettent de savoir (sans que l'on s'en rende compte) que l'on est dans un film, il y a un détachement. Quand on vous place dans l'horreur pure et simple en un seul plan de dix minutes, en plein enfer, vous vous y sentez. On est proche d'un reportage tellement c'est réaliste. On y croit réellement.

A ce niveau la fin est tout bonnement exceptionnelle. Nous sommes dans la guerre pure et simple, et j'ai ressenti son horreur plus que dans n'importe quel film de guerre. J'esquivais les balles avec Théo, croyant constamment que j'allais me faire toucher, l'adrénaline me parcourait alors que je n'étais qu'un spectateur. C'est un sentiment presque surnaturel... tant il est naturel.

Et cela ne serait pas possible sans la justesse de tous ces acteurs, avec un Clive Owen plus crédible que jamais en tête. Les personnages sont tous très beaux, crédibles, non manichéens. De Théo jusqu'à la gitane Marichka, ils sont tous parfaitement incarnés.

On pourrait reprocher à Children of Men la simplicité de son scénario, tout en symbolisme. En effet, le pitch est simple et restera simple. Je peux comprendre que cela puisse gêner, mais là n'est pas l'intérêt de ce métrage. Il est de nous plonger dans cet univers. Et le pari est plus que réussi, il est sublimé.

Une claque sans précédent.
GagReathle
10
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le 15 août 2013

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