Il existe des films qui vous envoutent. Les Fils de l’homme en fait partie grâce à une esthétique belle et terrible, une mise en scène fluide et un casting irréprochable. Cette dystopie réalisée par Alfonso Cuarón est une adaptation du roman éponyme de l’anglaise P. D. James. Cuarón avait déjà prouvé sa valeur deux ans plus tôt sur le projet Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban où il avait su apporter une touche fantastique revivifiante pour la saga.
En 2027, l’humanité est stérile depuis de nombreuses années. L’homme le plus jeune a 18 ans, s’appelle Baby Diego et vient d’être assassiné. La Grande-Bretagne est le dernier îlot de relative stabilité dans ce monde qui va à vau-l'eau. Tout n’est pourtant pas rose du côté de la perfide Albion où le totalitarisme règne. Et pourtant, au milieu de l’obscurité jaillit une lumière. Une lumière dont Theo Faron, un ancien militant politique, devra protéger contre la violence et la félonie qui régissent cette société.
Que ce soit la pollution, l’hygiène de vie ou encore les perturbateurs endocriniens tels que les pesticides, l’impact sur notre fertilité est mesurable. Les différentes études s’accordent à dire que nous possédons aujourd’hui deux fois moins de spermatozoïdes qu’il y a 50 ans. Une fin du monde où notre espèce se retrouve incapable de se reproduire est d’une part réaliste, mais s’avère au final beaucoup plus angoissant qu’une fin brutale du type catastrophe nucléaire ou invasion extraterrestre. Ici l’humanité agonise dans une extinction lente, douloureuse et irrémédiable, débouchant tout naturellement sur le chaos et l’anarchie. Cuarón reste flou sur les raisons de la stérilité dans son film. Ce flou accentue l’aspect angoissant de ce futur proche tout en préservant sa crédibilité.
On ne peut pas parler de ce film sans aborder les plans séquences, car le réalisateur est un virtuose en la matière. L’exemple le plus frappant est celui du camp de réfugiés de Bexhill. Ce plan séquence de plusieurs minutes d’une intensité magistrale est d’une réalité déconcertante. Le réalisme du plan est préservé grâce à l’utilisation mesurée d’effets spéciaux.
Les Fils de l’homme est un excellent film d’anticipation à ranger aux côtés des plus grands tels que Soleil vert de Richard Fleischer ou encore L’Armée des 12 singes de Terry Gilliam. Nous plaçant face à nos propres peurs et questionnant habilement sur notre autodestruction, la portée sociale et intellectuelle de l’œuvre est extrêmement importante. Le récit n’est pas prémâché comme souvent le cas dans les films à gros budget. La mise en scène de Cuarón est mise au service de l’histoire dans le but de pousser le spectateur à la réflexion en se faisant ses propres idées sans le noyer sous un amoncellement de flashbacks.
Que ce soit dans l’orientation politique ou le traitement des réfugiés, Les Fils de l’homme agite un spectre qui, dix ans après, a gagné en consistance.